1984

Année des 70 ans.

19 janvier. Lettre à Bertil Galland de Paris. Parle des raisons de son voyage en Suisse les 20 et 21 décembre. « … proposition d’une préface bien payée payée par une poétesse vivant en S. R., discussion avec Rossier de Vevey sur un projet Palézieux. […] Curieuse impression pour moi que d’être étranger dans la ville d’une partie de mon enfance. J’ai aperçu une exposition Imsand “strange fruit” pas mal mais il est le photographe de la réalité nue. Je crois que les compositions ne sont pas ses affaires. Quelle joie de penser que peut être, il sera grâce à toi le paysagiste de mes rêveries ! […] J’ai flâné donc dans Vevey achalandé. J’ai aperçu la vitrine de la librairie Payot près des 3 Rois. J’y ai vu combien on mettait en évidence l’ouvrage du romancier de votre maison, me disant qu’il devait veiller aux grains. Mais un livre m’a fait une grande envie, celui de Chappaz, Fifon sur Chandolin et que 24 heures a édité. Il me semble le mériter un peu. Chandolin pour moi a été… je n’ai pas besoin de te le dire. Crois-tu à l’impossibilité de recevoir un exemplaire ? J’en serais ému profondément. […] Je viendrai dans quelques semaines apporter le manuscrit refait de fond en comble. »

15 février. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « J’ai passé 48 heures en Suisse pour discuter un contrat dont je te parlerai. J’ai aperçu le docteur Jacques Fasel dix minutes et je ne pouvais pas lui donner plus de temps mais je retournerai à Lausanne dans le courant de mars pour un examen complet de mes abats. Passages divers dans diverses machines. Mais cela va mieux dès que je surveille mon alimentation. / Naturellement j’irai à Berne par la même occasion. D’ailleurs nous nous reverrons à Paris pour CAC. En Mars ? » 24 février. Lettre à Pierre-Olivier Walzer. « Je ne serai pas à Paris pour l’ouverture de l’Exposition CAC à la B.N. / Bertil Galland avec qui je vais signer un contrat (éd. 24 heures et Payot-Paris) pour la publication de mon livre sur le Lot m’invite. M. Imsand viendra vivre au Grès pour prendre des photos, car le volume sera illustré. / Bertil donc, m’invite à passer avec lui et sa femme quelques jours en Italie […]. / Je ne me sens pas capable de renoncer pour un vernissage et un verre à l’ambassade, à ce voyage dont je sens profondément le besoin. J’ai un vif besoin de voir d’autres cieux, d’autres pays que Paris et le régime socialiste lourd, accablant et plein de menaces. Me pardonneras-tu ? Je rentrerai à Paris le 2 [mars] après être passé à Lausanne me faire voir tout entier aux appareils du docteur Fasel. »

9 mars. Lettre de Bertil Galland. « Dans le remous des grèves je te lance cette feuille, écrite en pensant au petit monde que toi, Patrick, Betty et l’Italie formions, heureux, au bord de la Brente. » 14 mars. Lettre à Bertil Galland de Paris.

5 mai. Lettre de Bertil Galland de Vevey. « Nous avons quitté Paris la banquette arrière transformée par tes soins en rayon de bibliothèque [….] J’ai vu Maurice hier, qui allait bien, parlant de toi avec amitié. Je lui ai dit qu’il m’avait paru que, de manière certaine, tu réservais les lettres de Corinna pour le fonds de la Bibliothèque nationale, mais que, pour l’heure, tu souhaitais garder cette correspondance chez toi. / Avertis moi avec un peu d’avance de la date ou de la période où tu voudrais recouvrir aux doigts agiles de Ginette pour ton Lot. Dans l’attente de l’apparition du manuscrit, accompagné de son maître, je salue celui-ci, affectueusement et fidèlement, Bertil. » 15 mai. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Voilà ce que je puis te proposer : venir en Suisse à la fin de la semaine prochaine, y rester le temps qu’il faudra pour dresser un manuscrit lisible. J’ai la possibilité de venir à Lausanne avec un copain français, en voiture à travers les pays que tu as toi-même traversé du côté de la Bourgogne de Colette. »

27 juillet. Télégramme de Bertil Galland de Vevey (déposé la veille) pour ses 70 ans. « Célébrons la fraîcheur de ton œil, de ton cœur, de ta plume, et la longueur de notre amitié. Viendrons en août embrasser le septuagénaire avec discours etc… Nous t’aimons »

Août. À Calvignac. 13 août. Lettre de Calvignac à Jean et Christiane de Lavallaz. « … Hier soir, le 9 août, j’ai participé à une garden-party dans les environs de Cahors, chez un ancien préfet du Lot, en l’honneur de la Reine du Danemark et de son prince consort (…). J’ai fait moi la tapisserie mais quelles sont merveilleuses ces nuits d’août étoilées ! / (…) Mercredi 16 je serai 48 heures à Paris avant de m’embarquer pour les “frères québecois”. » 13 août. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Calvignac. « Carissimo, oui, je suis silencieux non plus par paresse mais parce que j’ai mis au point la version définitive de mon livre sur le Lot et… moi-même. Il est probable que Bertil Galland le fasse publier à 24 heures. Il en avait aimé le premier manuscrit qu’il a lu en partie l’année dernière, en séjournant ici avec sa femme. Je n’ai pas oublié ton regret et ton étonnement de me voir si peu écrire mais c’est que j’ai été assommé par deux presque échecs. Le premier, la demande de Grasset de modifier mon roman en le ramassant en 300 pages, ce qui est difficile mais aussi, parfois, une demande injustifiée. Je suis de l’espèce d’écrivains qui reçoit les critiques volontiers quand je les juge justifiées, qui accorde des droits réels à la bonne critique mais les zozos grasseyants, depuis le départ de Privat, ne m’intimident guère. Quand donc comprendront-ils que je ne suis pas un auteur doué pour faire des romans à la mode. C’est même curieux que l’on ne veuille pas reconnaître le fait que j’écris avec un fond si attaché à ma personne que je crève hors de lui et que mon feu intérieur meurt de brûler autre chose que le bois de ma forêt. Ce roman, il va falloir que je le relise, cette fois-ci sans complaisance. […] J’ai eu le 27 juillet 70 ans. C’est aussi un coup de massue mais je ne crains rien encore de catastrophique sur ma santé et mes capacités. […] Je serai en Suisse en octobre sans doute avec la raison enthousiasmante de savoir qu’un livre de ma plume y sera en chantier. » 18 août. Lettre de Bertil Galland. « Je suis consterné de manquer au rendez-vous que je t’avais donné chez toi pour une célébration de ton anniversaire. La fête, nous devrons maintenant la prévoir à ton retour du Lot, en Suisse peut-être. Je souffre d’un discours rentré, d’une amitié contrainte au discours épistolaire alors qu’elle se trouve si bien de nos petites promenades ».

25 septembre. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « Je serai dans le pays autour du 15 octobre. »

4 novembre. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « Mes très chers, je n’oublierai pas cette journée d’automne de soleil et de feuilles mortes sur les trottoirs de votre quartier, les bons rapides et transparents de l’Aar, la bonne compagnie d’amis qui sont avec moi depuis longtemps […] Bertil Galland n’écrit pas. Son silence me rend malade, malheureux et m’embarrasse […] ». 20 novembre. Lettre à Bertil Galland. « Voilà de longues semaines que tu as en mains la version, mise au point, du Soleil sur Aubiac. Je me suis vraiment réjoui à l’idée de te la soumettre, sans arrière-pensée, sachant que je ne pouvais avoir de meilleur, de plus profond et exigeant lecteur que toi, de plus attentif aussi sensible à mes plus secrètes inflexions. […] De plus, n’étant guère solliciteur ou impatient, j’ai attendu ton téléphone jusqu’au samedi suivant et dans un “climat” très lourd, une attente pleine d’espérance. Ce fut le silence. Un insupportable silence que tu fais durer avec une cruauté qui m’étonne de ta part. Parfois je me dis que tu as de bonnes raisons de tenir à ce silence. Soit que tu sois absent, malade mais tu me l’aurais fait savoir par un tiers… Voilà plus d’un mois que je suis revenu à Paris et tu n’as pas rompu le silence qui m’emmure dans mon chagrin et ma solitude. / Tu es certes capable de mesurer la peine immense que tu me fais. Je voulais te le dire sans détour mais avec une amitié toujours vive et meurtrie. Cette épreuve me détruit de jour en jour parce qu’elle m’est imposée par quelqu’un comme toi dont je ne me serais jamais attendu à un tel traitement. Cela devait être exprimé. / Quant au manuscrit, s’il n’a pas de chance en Suisse, remets le à Jacques Fasel. J’irai un jour le reprendre à Lausanne car les risques de la poste sont immenses. Si tu ne l’as point aimé – est-ce possible ? – je te demande de ne m’en rien dire. Le livre demeurera une autre épreuve, avec mon roman en souffrance [Le jour du printemps]. Est-il nécessaire d’entretenir mon chagrin ? Sans doute il existe dans le manuscrit même quelques petites choses à reprendre mais je ne suis plus à l’âge des apprentissages. Enfin, un orgueil sain et nécessaire me soutient dans mes épreuves et mes échecs. Il me suffit de lire quelques médiocres livres que l’on honore à Paris en cet instant. / Voilà, cher Bertil, quelques remarques que l’amertume n’inspire pas mais que les blessures de l’amitié justifient. Blessures et meurtrissures qui, peut être, seront guéries par un mot de toi. / Georges ». 22 novembre. Télégramme de Bertil Galland. « N’aie d’inquiétude cher Georges ni sur mon amitié entière ni sur ce que j’ai entrepris pour ton livre qui est de premier ordre je t’écris t’embrassons / Bertil »

13 décembre. Lettre de Paris à Jean et Christiane de Lavallaz. « Je suis venu en Suisse 48 heures, précisément le 5-6-7 décembre, à Genève, où j’ai participé à une émission de télévision appelée : Nul n’est prophète et qui passera le 27 décembre (jeudi, je crois) à 20.30 (vérifiez si cela vous amuse de me voir !)… »