1947

Année des 33 ans, de la mort de Ramuz en mai, de la première mention du manuscrit du Préau (publié en 1952), de l’installation à la rue de Verneuil (Paris) en octobre.

6 janvier. Lettre à sa mère de Paris. « J’ai passé la St Sylvestre chez Jean Tardieu. […] A une heure du matin, nous nous sommes tous rendus au Club d’essai où les collaborateurs de Tardieu s’étaient réunis autour d’agapes somptueuses et liquides. […] Mon travail, à la radio, me captive, mais je suis, hélas, payé avec beaucoup de retard et je tire un peu le diable par la queue. » 8 janvier. Se trouve à Paris, toujours à l’hôtel d’Alsace. 29 janvier. Lettre à sa mère de Paris. « Notre brochure va sortir de presses et je vais préparer une audition sur Töppfer. Je te dirai à quel moment tu pourras l’écouter. […] Il n’est pas improbable que je ne te dise de venir à Paris t’installer avec moi, un jour. » Alix Tardieu va passer les vacances de Pâques chez Ida.

12 mars. Lettre de Edmond Humeau. « Mon petit Georges, / voici la préface dans le ton cérémonial qui doit convenir, je l’espère, à notre ami Vaudou. Tu la liras et la lui montreras / demain soir à la Sorbonne, conférence de Germain Bazin sur Braque et Bonnard (le sentiment de l’espace) ; J’y serai mais fais un peu de publicité et tâche d’y amener du monde. / voilà que nous sommes pris par le temps des ligatures / salut Bosshard qui t’aime bien et le dit – moi aussi, d’accord. / ED » Mi-mars. Carte à sa mère de Paris. « Merci, merci pour tout ce que tu as confié aux Bosshard et que ceux-ci m’ont donné dès leur arrivée. J’éspère que tu auras entendu à Radio-Sottens l’interview que nous avons fait Parrot et moi de Bosshard. » Co-signée par Bosshard. 21 mars. Lettre à sa mère de Paris, en-tête « Radiodiffusion française ». « Ma chère Maman, quelles semaines agitées depuis l’arrivée à Paris, des chers Bosshard ! […] Son exposition obtient un vif succès à Paris. Je suis heureux du résultat obtenu. […] Il faut absolument que d’ici quelques mois nous trouvions une solution, soit que tu viennes à Paris vivre avec moi, mais pour l’instant le problème est difficile. […] M’as-tu entendu à la radio Suisse ? J’ai parlé avec Bosshard de l’exposition. D’autre part, j’ai passé au poste parisien la semaine dernière, mais je ne l’ai su que le lendemain. J’avais écrit un petit texte sur R.M. Rilke en Valais qu’un ami a lu. Je ne pense pas que le hasard t’ait permis de tomber justement dessus. Si je parle encore, j’essayerai de t’avertir à temps. / D’autre part, je t’envoie par le même courrier un numéro de journal où j’ai écrit un article sur la librairie Roth de Lausanne, et un autre canard où je parle de la Suisse. Tu me diras ce que tu en penses. Dans 5 à 6 mois, je crois que je pourrai sortir un texte plus important dans une revue où d’ailleurs j’ai écrit deux textes, mais je n’ai pas de numéro sous la main et il coûte 150– frs. Cependant, je te promets de t’en réserver un numéro. »

10 avril. Lettre à sa mère de Paris. « Ma chère Maman, j’ai voulu aller accompagner les Tardieu à la gare, mais le même soir les Bosshard partaient pour un train, deux heures plus tôt. […] Mais il est fort probable que j’aille en Suisse prochainement et que j’aille te voir. […] Alors tu as eu les Tardieu à la maison ! Je pense que tu auras été heureuse. Tu me raconteras cela dans ta lettre. Combien j’aurais aimé les accompagner ! Mais mes affaires ne vont pas spécialement bien en ce moment. La radio ne me rapporte pas assez d’argent et j’ai de la peine à nouer les deux bouts. » 21 avril. Lettre à sa mère de Paris, en-tête « Radiodiffusion française ». « Une bonne nouvelle : l’office suisse du tourisme m’a demandé à nouveau de représenter leur bureau à la foire de Paris qui s’ouvrira le 10 mai. J’ai naturellement accepté avec empressement car je vivotais ces derniers temps ici. / La revue de la radio va sortir cette semaine de presse. Tardieu et moi nous t’en enverrrons un exemplaire. Tu verras combien elle est belle. / Il paraît que SERVIR, enfin, fera paraître les articles que je leur ai envoyés ! Ce n’est pas trop tôt ! J’écris justement aujourd’hui pour les décider. […] Mais es-tu toujours aussi isolée ? Tes amies viennent-elles te voir ? Quand je pense aux agisssements de ta belle-famille, mon sang fait demi-tour. Quels salauds ! / Donne-moi de tes nouvelles, dis-moi comment tu te débrouilles. Je pense souvent à toi et serais heureux de t’avoir près de moi. Peut-être cela se fera-t-il un jour ! […] J’ai changé de chambre dans le même hôtel. J’ai beaucoup de soleil et elle me coûte moins cher. Mais je soupire après un appartement. » 25 avril. Lettre à Yoki de Paris. « Je serais heureux que tu passes chez nos amis Droux à qui tout d’abord, tu feras de vives amitiés, et à qui, tu demanderas ensuite qu’ils te rendent disques et gramophone. Par exemple, si tu n’es pas trop chargé pour rentrer, tu pourrais prendre les disques, surtout les classiques et ceux de Marianne Oswald, sans oublier surtout le Surabaya-Johnny et le grand étang. […] Et, si tu n’as pas trop peur, va cracher le plus épaissement possible, sur les vitres de la librairie Egloff que j’emmerde. / Mais surtout peins et ne perds pas ton temps avec ce garçon qui est heureux, arrogant et plein d’amitié, quand même, pour toi et toutes choses. / Je te serre la main / Georges. / P.S. Amitiés aux amis fribourgeois, à tous ceux qui veulent se souvenir de moi sans acrimonie à Strub surtout. »

2 mai. Carte postale à sa mère de Bergerac. « Denise et Louis Parrot m’ont emmené dans la Dordogne ! Nous ramenions Jean-François. » 4 mai. Carte postale à sa mère de Rocamadour. « Ma chère maman, le beau voyage continue dans l’emerveillement et la bonne humeur. Demain nous serons dans les gorges de Padirac et visiterons Sarlat. J’aimerais m’arrêter dans une de ces belles maisons du pays et y demeurer jusqu’à ce que l’ennui me chasse ailleurs. Je t’embrasse Georges ». 23 mai. Mort de Ramuz.

5 juin. Lettre à sa mère de Paris. « … pendant la durée de la Foire de Paris, tu ne te seras pas étonnée que je n’écrive pas. J’étais seul au pavillon du tourisme pendant trois semaines et je rentrais abruti par la foule, la chaleur et le travail. […] Je te remercie de m’avoir envoyé de la documentation sur la mort de Ramuz. La radiodiffusion m’a demandé de participer à l’hommage qui a été consacré à Ramuz samedi dernier. Je n’ai, hélas, pas pu t’avertir, mais tu aurais pu m’écouter à 7 heures ce jour là, au poste de la radio nationale. J’ai parlé moi-même au poste avec Albert Béguin, Pierre-Jean Jouve, Jean Cassou, Bataillard. Mais personne n’a pu m’entendre, car j’ai été averti une heure avant l’émission, de l’heure exacte où elle passerait. Cela t’aurait fait plaisir de m’entendre. / Tu me demandes si je vais rentrer en Suisse cet été ! Certainement, peut-être même d’ici quinze jours. Fort probablement, si mon projet réussit, j’irai trois mois en Italie pour y entreprendre un travail qui m’a été commandé. Si cela marche, je passerai par Lausanne, j’y resterai quelques jours et je continuerai sur Rome. […] Si, cet automne, j’ai la place que me promet le journal Spectateur, je suis bien décidé à te faire venir à Paris, vivre avec moi. Je crois qu’à ce moment, nous aurions assez pour vivre sans trop nous priver. Mais la seule question difficile, c’est celle de l’appartement. Voilà une année que je cherche, en vain. […] Il est impossible que tu puisses refaire ta vie dans le milieu même où tu l’as perdue. Je crois que Lausanne ne peut plus rien t’apporter. […] As-tu entendu ma voix à radio-Sottens ? J’ai été interviewé à la Foire de Paris pour les trois postes nationaux, mais on n’a pas annoncé mon nom. / Je crois de plus en plus que la radio va devenir pour moi un gagne-pain. J’y avais fait de mauvaises premières armes, en Suisse, avec Budry, mais je m’habitue, ici, à cette mécanique. » 22 juin. Lettre à sa mère de Paris. « … j’arrive à Lausanne le samedi 28 juin à 17.44, dans l’après-midi donc. Je resterai avec toi une semaine pour ensuite continuer sur l’Italie où je séjournerai 2 à 3 mois. Je t’expliquerai les raisons de ce voyage. [Veut entre autres travailler tranquillement sur le manuscrit qui deviendra Le Préau.] […] Pourras-tu me loger ? Car je n’aurai que 50– frs. suisses. » 24 juin. Lettre à sa mère de Paris. « Je reçois, ce matin, la nouvelle que je rentrerai en voiture, à Lausanne, avec les Jaccottet. nous partirons de Paris dimanche matin seulement [29.06] et nous arriverons à Lausanne dans la soirée. » 27 juin. Mariage de S. Corinna Bille et Maurice Chappaz.

11 juillet. Est à Florence. 12 juillet. Carte postale à sa mère. « Ma chère Maman, je viens d’arriver à Cortona. […] Hier j’étais dans la bruyante Florence, abîmée d’ailleurs par la guerre. Aujourd’hui je tombe dans le silence d’une ville féodale. » 22 juillet. Lettre à sa mère de Cortona. « Je suis heureux que les Tardieu passent à la maison avant de prendre le chemin pour l’Italie […] Mon séjour, ici, continue à me plaire beaucoup. Je suis parfaitement isolé, mais cela me convient, du moins pour l’instant puisque j’ai décidé de travailler à ce bouquin, qui, quoiqu’il parle à la première personne, n’est pas tout à fait la relation de ce qui m’est arrivé, mais je mélange pas mal de choses qui sont arrivées et qui m’ont été racontées par d’autres. Je crois que j’arriverai à être prêt pour la fin septembre, mais jusque là, quel travail ! Mais l’Italie me convient mieux que Paris pour y travailler parce que j’y suis moins dérangé, pour ne pas dire point du tout. »

4 août. Arrivée probable à Bocca di Magra. 5 août. Première lettre conservée de Philippe Jaccottet à GB, de Lausanne, adressée à Bocca di Magra. 8 août. Lettre à sa mère de « Bocca-di-Magra / chez Eolo GERMI / (par Sarzana) / Italie ». « Me voilà, depuis 4 jours au bord de la mer, dans un endroit paisible, loin des plages mondaines, avec quelques amis français qui ont rejoint l’écrivain italien Elio Vittorini que j’ai connu à Paris, moi aussi. La solitude de Cortone est ainsi terminée et je dois dire que cela me fait du bien. […] Je suis fort heureux et je continue mon travail qu’il est, évidemment, plus difficile à continuer ici dans cet admirable nature. […] Et comment cela a été avec les Tardieu ? Je leur avais envoyé une lettre chez toi que tu auras pu leur donner, j’éspère. Je monterai les voir au bord du lac de Garde quoique les voyages soient fort longs en Italie. […] Après mon séjour au bord de la mer, je descendrai jusqu’à Rome et rentrerai plus tôt que je ne l’ai dit à Paris, de façon à y être pour le 27 septembre. Ainsi arriverai-je vers le 15 septembre en Suisse où je passerai quelques jours avec toi. J’aimerais trouver là-bas ma machine à écrire pour taper mon roman. Quel dommage que tu aies vendu celle de Paul ! » 20 août. Lettre à sa mère de « Bocca-di-Magra ». « Ma chère Maman, pourquoi croire que je te faisais un reproche d’avoir vendu la machine à écrire ? Je te faisais tout simplement remarquer que c’était dommage, un point c’est tout, mais ce n’est pas une accusation. Cesse donc de te sentir visée dans tout ce que je te dis. Je comprends fort bien que tu aies vendu cet engin. […] D’autre part, les Parrot me rejoindront à Florence où je serai depuis dimanche prochain. […] Demain je vais à Carrare […] Je pense rentrer d’Italie vers le 15 septembre et m’arrêter à Lausanne quelques jours. 24 août. Lettre à sa mère de Bocca di Magra. « Je quitte la mer demain matin et vais à Florence où je resterai deux à trois jours et ensuite je quitterai Florence pour Rome d’où je t’écrirai et te donnerai mon adresse. […] Quant aux Tardieu, j’irai les trouver au milieu de septembre à Torri del Benaco. J’aurai ainsi traversé toute l’Italie. » 30 août. Lettre à sa mère de Rome, « Pensione Nordena / 184, Corso Umberto ». « Ma chère Maman, me voilà à Rome, dans la ville Eternelle ! C’est une impression curieuse que d’arriver après tant de désirs, dans un lieu sur lequel s’est accumulée l’histoire et qui est un camp où se chevauchent tous les âges ! Je suis, certaines fois, déçu et d’autres fois émerveillé. De toutes façons, je suis heureux et je vais y rester une quinzaine de jours. Mais la vie est chère, doublement presque que partout [sic] ailleurs. / A Florence où je suis resté 3 jours, j’y ai retrouvé Ben Martin, l’américain dont tu dois te souvenir fort bien. Il m’a quitté pour Venise et me rejoindra la semaine prochaine à Rome. / De Rome, je monterai au lac de Garde y retrouver les Tardieu et je rentrerai en passant par la Suisse. J’ai peur, d’ailleurs, d’être fauché trop vite et de devoir rentrer plus tôt. La petite somme que j’ai touchée est insuffisante d’autant plus que l’Italie n’est plus très avantageuse pour les Suisses. Mais, j’espère m’en tirer. […] J’ai écrit deux articles que j’envoie à SERVIR. J’éspère cette fois qu’il les prendra. »

3 septembre. Carte postale à sa mère de la Cité du Vatican. « Ma chère Maman, nous avons visité, avec des amis romains, la cité du Vatican. C’est un gentil garde pontifical, fribourgeois, qui nous a conduit partout, presque dans les appartements privés du Pape. Ce fut une belle journée, mais que c’est vaste ! » Première occurrence d’un « maman » sur une carte postale. 4 septembre. Carte postale à Pierre-Olivier Walzer de Rome. « Je pense à vous affectueusement non que la beauté de Rome exalte en moi tout l’appareil du cœur. Mais je vous fais ce signe et vous redis mon amitié. » 11 septembre. Encore à Rome. 15 septembre. Lettre à sa mère de Torri del Benaco. « Ma chère Maman, voilà, j’ai rejoint les Parrot et les Tardieu à Torri ! C’est un rêve ! Les chers Tardieu sont installés magnifiquement dans une maison rêvée. Marie-Laure se donne beaucoup de mal pour bien nous recevoir. C’est délicieux ! La maison est au bord de l’eau et nous restons assis sur la terrasse, le soir, à bavarder tard dans la nuit. Quel repos, quelles merveilles. / Je ne vais y rester que 4 jours et vais passer par Milan où je m’arrêterai deux jours, si bien que lundi prochain, certainement, dans l’après-midi, je serai à Lausanne où je m’arrêterai quelques jours avant de rentrer à Paris, au 27 au soir. Donc j’arriverai le 22 septembre à Lausanne. Je te télégraphierai d’ici là. Mais le dimanche soir à 20.20 heures à peu près, écoute Radio-Rome, retransmis par Milano. Un copain et moi, nous avons été interviewé[s] par la radio de Rome et nous avons fait des déclarations sur l’Italie. Hélas, comme je ne sais pas la langue, quelqu’un a parlé pour moi, mais tu reconnaîtras mon nom qui est prononcé plusieurs fois. / Demain, je vais à Bergame avec Marie-Laure. »

1er octobre. Lettre dactylographiée à sa mère de Paris, toujours chez Edmond Humeau. « Je pense que je vais pouvoir m’installer assez prochainement au 20 de la rue de Verneuil où tu peux déjà m’écrire. / Un ami de Genève me prête cette machine à écrire qui me permettra de copier mon manuscrit. Je l’essaie une fois avant d’entamer le grand travail. […] Je veux te remercier encore vivement pour toutes tes bontés lors de mon passage à Lausanne. Tu sais que je ne mets pas en doute, ni ton affection, ni ta bonté, mais c’est un peu le caractère qui, on le voit, a souffert de trop de contraintes, mais ne pense pas que je ne t’aime point. Tu sais bien que c’est tout le contraire. Ma vie extrêmement indépendante m’a aussi donné un caractère difficile. Ce sont des raisons contraires qui nous ont formé l’un et l’autre : toi, contrainte, moi trop libre. » 9 octobre. Lettre à sa mère de Paris au 20, rue de Verneuil. « L’article sur la véritable mort de Ramuz, ne m’étonne point, tant je sais où peut aller la mesquinerie du peuple vaudois, mais tu as bien fait de me l’envoyer. Je veux le passer à Humeau qui fera dans un de ses numéros du journal Arts, un petit écho à ce papier de Delhorbe et ainsi, on divulguera un peu plus la petitesse suisse. / Tu me dis que Cocteau m’a envoyé son dernier livre dédicacé. J’en suis heureux ! A l’occasion, écris-moi ce que Cocteau met dans sa dédicace. […] Je me suis installé dans l’appartement de Verneuil qui est bien agréable. Evidemment, il lui manque du confort, mais peu à peu, je pourrai l’arranger. Cependant, je ne sais pas encore aujourd’hui ce que les propriétaires de l’appartement me réserveront comme chambre. Je ne puis donc pas m’installer tout à fait sans avoir eu leur visite qui ne va pas tarder. Ils resteront un mois ou deux à Paris et rentreront à Berne. Je suis certain que pour Noël, la maison sera libre. A ce moment, tu pourras venir. Nous chaufferons bien la chambre principale où nous dormirons, chacun dans un lit et nous passerons de bonnes fêtes. Quand le moment sera là, nous en reparlerons. […] J’ai écrit, avant cette lettre, un mot à la revue Graphis en lui disant que je ne comprends pas son silence. Ne t’inquiète pas, tu auras le numéro de la revue ! / J’ai oublié à la maison quelque chose de très important qui ne m’appartient pas et qu’on me réclame, c’est le cartable avec les dessins de DERAIN et surtout une feuille de livre d’or avec une signature de Jean Royère. […] Ah ! Si je n’ai pas pu voir Shenin, dis le lui, c’est que c’est Madame Humeau qui a pris son message téléphonique et qu’elle a égaré ensuite le papier sur lequel elle avait marqué l’adresse de son hôtel. J’étais fou de rage ! La maison est plus que jamais désordonnée. Je suis bien heureux de l’avoir quittée, mais malheureux d’avoir manqué Schénin. » 22 octobre. Lettre à sa mère de Paris. « Tardieu qui est au fond de son lit avec une bronchite violente est très découragé. Il ressemble à un enfant quand il est malade, encore plus que lorsqu’il est en santé. Marie-Laure et lui se désespèrent de ne pas trouver de bonnes et se demandent si une Suissesse qui aimerait venir à Paris, accepterait d’être engagée par eux. Je leur ai dit que je t’en parlerai et que, peut-être, tu connaitrais quelqu’un. / — / Et toi, comment vas-tu ? As-tu rencontré l’homme idéal que tu éspères, un peu ? J’aimerais tellement qu’avec l’industriel jurassien, les choses se fassent ! Parle-m’en franchement ! […] Pour Noël, je veux t’abonner à Plaisir de France qui est une belle revue et t’enverrai ici ou là le Jardin des Modes. »

4 novembre. Lettre à sa mère de Paris. « Tu sais, malheureusement, les gens qui m’ont sous-loué une chambre à la rue de Verneuil sont péniblement égoïstes. L’histoire est longue à raconter, mais ils désirent que je garde l’appartement, pendant qu’ils sont à Berne, pour éviter la réquisition, car, ils n’ont pas le droit de conserver un appartement sans l’habiter en permanence, sans, surtout, avoir leur domicile en France. Alors, je suis là et la police ne peut s’emparer du logement. Cependant en contre-partie, je demande de pouvoir y vivre un peu longtemps, mais ils ont décidé de venir s’installer définitivement à Paris le printemps prochain et à ce moment ils me mettraient dehors, ce qui est inamical, puis, ensuite, illégal. Cela m’a profondément affecté. D’autant plus que j’ai fait beaucoup de choses dans cet appartement et particulièrement dans ma chambre : peinture des murs, boiseries lavées, parquet ciré, vitres nettoyées. Je reconnais là le terrible égoïsme suisse. Ils mériteraient, mes chers concitoyens, de souffrir un peu pour s’humaniser. / Ma situation financière est désastreuse je ne sais pas comment je vais faire pour me renflouer. Ne m’en veuille pas si je ne t’expédies pas de journaux de modes pour l’instant. Cela ira mieux d’ici quelque temps. / Alors l’industriel du Jura est un vieux biborne [escargot]. C’est bien dommage ! Je te voyais libérée de la solitude, mais tout n’est pas perdu, n’est-ce pas ! […] Louis Parrot est fort malade. Il a fait une rechute et ses amis, nous sommes très alarmés. J’aime beaucoup Parrot et serait malheureux s’il arrivait une mauvaise nouvelle. Tardieu fut aussi malade, mais moins gravement, mais il a subi une dépression nerveuse qui faisait de la peine à Marie-Laure. J’ai dîné chez eux aujourd’hui. Je les aime beaucoup. »

2 décembre. Lettre à sa mère de Paris. « Oui, je viendrai pour les Fêtes à la maison. En réalité ici il fera trop froid pour que tu viennes et je n’ai pas de charbon encore pour chauffer. J’apporterai mon livre à Budry. Je partirai vers le 17 décembre et t’apporterai journaux, livres et cadeaux. » 11 décembre. Lettre dactylographiée à sa mère de Paris. « Moi aussi, je serai très heureux de venir passer les Fêtes en Suisse. Nous ne serons pas seuls et je pourrai dans la tranquillité finir mon bouquin dont je te lirai des passages. Je suis en train de le taper à la machine, c’est pourquoi je t’écris avec ce moyen mécanique. […] J’arriverai à Lausanne, sans faute, le vendredi 19 décembre, dans quelques jours donc, au train qui arrive à 17.44 heures à Lausanne. Je me réjouis beaucoup. Je passerai une dizaine de jours avec toi, si tu le veux bien, ensuite, je rentrerai par la Savoie où je dois aller porter mon livre. Je t’expliquerai le tout. / J’ai vu les Parrot dernièrement. La santé de lui est toujours fort compromise, mais, enfin, tout le monde en a pris son parti. Ils sont délicieux avec moi. […] Je ne désèspère pas un jour de te faire venir tout à fait avec moi ici. Je pourrai peut-être gagner ma vie pour deux. Et tu seras beaucoup plus heureuse en France que dans la mortelle Lausanne. Mais enfin, nous en reparlerons. La question appartement est la pire. » 21 décembre. Lettre à Gustave Roud de Lausanne, « chez Mme Gavillet ». Conservée au CRLR. « Très cher Ami, / je suis à Lausanne pour les Fêtes ! J’y resterai jusqu’au 7 janvier. » 31 décembre. Lettre de Gustave Roud. « Cher insaisissable / Quoi, vous voici donc tout proche ? »