1932
Année des 18 ans, de la suite du séjour à Saint-Maurice, de la scolarité et de l’éveil à l’intelligence et à la sensibilité au collège de Saint-Maurice, de la fin de l’accueil chez sa marraine à La Vaux.
Janvier. Achat d’une Bible à Saint-Maurice.
9 mars. Lettre du Frère Jean-Baptiste Marie Porion de La Valsainte à GB à Saint-Maurice. « Valsainte, le 9-III-32 / Mon pauvre enfant, que vous souffrez, et quel chagrin vous vous faites, alors que rien dans votre vie n’est gâté ni perdu. – Non, vraiment, je ne puis correspondre. Je n’aurais d’ailleurs à vous dire qu’une chose, toujours la même : luttez avec patience, et sans jamais vous décourager, contre Georges Borgeaud, mais surtout, surtout CROYEZ – croyez-moi, si vous n’avez pas d’autre témoin – croyez qu’une miséricorde infinie est cachée derrière les nuages de ce monde, comme un soleil de paix et de bonté. Pour nous qui habitons sur la montagne, cet astre pacifique est deja présent : il est deja dans nos cœurs. Et vous, je vous en supplie, ne désespérez pas, patientez encore un peu : je vous promets que nous partagerons un jour le lait et le miel de la vraie consolation. – Ne lâchez pas la main de votre marraine maintenant : vous avez encore besoin d’elle. – Que m’avait dit J. Maritain ? Je ne sais plus exactement. Que vous êtes gentil, je crois, ou quelquechose [sic] comme cela. Qu’aurait-il pu me dire de plus, vous connaissant si peu ? / Soyez sage, je vous en prie, enfant. Votre dévoué en Notre-Seigneur / Fr. Jean-Baptiste Marie PORION / vic. » 13 mars. Lettre à sa mère. « Mon argent de poche n’est pas formidable et je ne veux pas dépenser l’argent que j’ai reçu à Nouvel-An, c’est le seul que je dispose pour mes plaisirs. […] Je me trouve souvent embarrassé quand il faut sortir et ne pas pouvoir payer une bière à mes camarades qui me paient si souvent quelque chose. Ce n’est pas un reproche que je fais, mais je parle franchement ; je sais bien que tu fais beaucoup pour moi […] Tu ne m’en voudras pas, n’est-ce pas. Comme ça vous ne pourrez plus me dire que je manque de franchise. » 28 mars. Lettre à Edmond Humeau de La Vaux. Conservée aux Archives de l’abbaye de Saint-Maurice. « La Vaux, 28 mars 1932, / Cher Ami et Professeur, / Je n’écrirai pas long, puisque la concision du style est le signe de l’intelligence : je tâcherai de m’exprimer le plus brievement possible, mais avec tout mon cœur. En somme ce que j’ai à vous dire n’est presque rien, et beaucoup les jours ou [sic] tout m’énerve. / Je suis tracassé par un tas d’idées méchantes, de grands mouvements de jalousie et ce qui me fait le plus souffrir c’est que je crois manquer totalement de sensibilité, d’intelligence, de cœur ; alors je suis jaloux des autres. Voyez que je ne suis pas si bon que ça, j’ai un plaisir amer à gâter les choses et je deviens presque indifférent à tout. / Je ne veux pas vous embêter avec ma vie sentimentale, je suis trop énerver. [sic] C’est que je ne viens pas en vacances pour y trouver du calme mais je suis en relation avec toutes les misères de la vie par mon entourage, une marraine neurasthénique et qu’il faut consoler dans ses crises de larmes, des parents qui me cachent leur existence et qui se dirigent au divorce et moi qui désespere [sic] de tout parce que je sens que tout m’échappe. Ah ! il y a parfois de noirs chemins à passer, j’essaye de ne pas m’y plaire. Si j’avais au moins de la musique, quelque chose pour me distraire, mais que le bruit de la pluie et des bûches dans le fourneau. Et puis quand on doute encore de soi-même et qu’on aimerait n’avoir aucune religion. Je vois que je me pose en victime J’ai souvent de ces tristesses, mais les belles choses prendront le dessus, si vraiment je puis les sentir. / Aurevoir, [sic] à lundi soir. / Georges Borgeaud »
5 avril. Lettre de Saint-Maurice à sa mère. « Me voilà rentrer [sic] et je t’écris assez tôt cette fois-ci. […] J’ai retrouvé ici la vie régulière, puis un sale pays où il n’y a pas de lac et d’oiseaux comme à La Vaux. » 30 avril. Lettre à Paul Gavillet. « Cher Monsieur, / Je vous remercie de la lettre que vous avez eu la bonté de m’envoyer, j’essaye de croire à toutes les raisons que vous me donnez, quoique moi non plus je ne me fasse pas tant d’illusions ; je saurai dorénavant ce que j’ai a demandé, le strict nécessaire afin de vous éviter tout ce que je pourrai de dépenses quoiqu’avec ma marraine on s’efforce de son mieux à vous demander le moins possible, car vous n’êtes ni mon père et je suis pour vous une gêne dans votre vie. Mais je suis très, très reconnaissant de tout ce que vous me faîtes car en somme vous ne me devez rien. Heureusement que vous n’avez pas à payer une pension pendant mes vacances d’été puisque je suis chez ma marraine, ce qui reviendrait bien plus cher qu’un petit séjour à Gênes ; seulement vous avez l’habitude de la bonté de ma marraine, pourtant avant vous trouviez bien de quoi me payer mes vacances d’été puisque je ne vivais pas chez vous. Que de dépenses ma marraine vous évite, ce qui me fait plaisir c’est votre reconnaissance envers elle, Du reste finissons-en là ; j’aurai trop à dire. Je me soumets, j’ai accepter bien d’autres choses. Je ne suis pas si bête et si gamin que vous le croyiez, je vois bien des choses. / Arrêtons-nous, tout est comme avant, je me tais, j’accepte. / Merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour moi. / Sachez que je n’attache pas autant de valeur à l’argent que vous, car l’argent nous rend egoïstes. / Je suis toujours ce pauvre enfant qui embête un peu, ne desesperez plus longtemps dans 3 ans je serai au couvent et vous n’aurez plus rien à payer si ce n’est le pauvre froc d’un moine que vous traiterez d’imbécile parce que vous êtes incapable de comprendre notre religion qui est toute d’amour et non d’argent, quand elle est bien comprise. / J’aurai beaucoup d’autres choses à dire, mais j’accepte et peut être un jour l’occasion se présentera de dire ce qui me pèse, car vous oubliez que j’ai un cœur, que je suis comme vous sensible à la vie de famille. Je ne serai pas compris, je me tais. Bons becs Georges / Je parle moi-même sans être poussé et inspiré par un chanoine ça je vous défends de le penser ; ces histoires ne regardent que nous / Ce n’est ni du romantisme, ni de la haine mais la franchise que vous me reprochez de manquer tellement. Je ne dirai plus rien / Il faut que je me tienne pour ne rien vous dire mais j’essaye de me vaincre. »
2 mai. Visite de sa mère à Saint-Maurice. Lettre à l’oncle Paul. « Je regrette ce que j’ai écrit dans ma dernière lettre, car en somme je suis ingrat. Oui, je vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi, pour tout l’intérêt que vous avez à mes études. Je me repens de ce que j’ai fait et je vous en demande bien pardon […] Maman est donc venue aujourd’hui, j’étais bien content de la voir, mais on voit qu’elle a eu beaucoup de chagrin / je lui demande aussi pardon à elle de tout mon cœur et j’espère recevoir une lettre de tous les deux, me certifiant que tout est effacé. » 13 mai. Lettre à sa mère de Saint-Maurice. Annonce la course d’école pour Lugano en passant par Locarno. Demande l’autorisation d’y aller. « C’est embêtant que je doive toujours vous réclamer quelque chose, mais je ne puis m’empêcher de le faire. […] C’est [que] vous trouvez que je ne le mérite pas à cause de ce qui est survenu ces temps, c’est à vous de juger, dans tous les cas, j’aurai beaucoup de plaisir à voir Lugano. » 17 mai. Lettre à sa mère. « … pourrais-tu m’envoyer un peu d’argent de poche, je n’ai plus rien, car ça va vite, chaque dimanche nous allons boire le 3ème trimestre, puis les timbres, etc. » 19 mai. Grande promenade à Lugano. 20 mai. Lettre à sa mère, récit du voyage à Bellizona, Locarno, Lugano. « Le dîner a été mauvais parce qu’on est descendu dans une boîte végétarienne, où c’étaient des vieilles filles qui servaient et où l’on ne pouvait boire aucun vin. »
Début juillet. Fin de la première année à Saint-Maurice. Finit septième sur vingt élèves, avec la bonne note globale de 5/6 ; note maximum (6/6) en « Religion » et en « Français style » ; note la plus basse (2-3/6) en allemand. On note que c’est Jean-Louis de Chastonay qui aura le premier prix avec la note de 6/6 ; Paul Voutaz est classé quatrième. 6 juillet. Texte de GB dans un hommage commun (avec notamment Fernand Gay) à Edmond Humeau partant de Saint-Maurice. Conservé aux Archives de l’abbaye de Saint-Maurice. « 6 VII 1932 / Adieu à quelque personnage. / A vous compagnie d’une année, clair, mystérieux tout à la fois, mais pas terrible je crois puisque véritable. Quand vous avez vu que nous voulions être dociles, alors vous exigeâtes le détachement de toutes nos fanfreluches pour vivre, non pas avec les souvenirs – la plus grande faiblesse – mais durement avec notre esprit, notre cœur et toute la beauté en nous et autour de nous : présences réelles parce […] qu’il s’agit de se connaître avant tout. / Acharné contre tout ce qui n’est pas nous-mêmes, vous avez bouleversé toute la tradition fausse, le regard sans sincérité et voilé : maisons de sable au désert que la pluie en une nuit fait crouler. Terrassier et architecte de soubassements. C’est la passion du mystère – ce que nous avons de plus réel – que vous recherchiez comme la source, à nous de trouver ce “filon secret, ce minerai caché”car ce n’est pas le cœur qu’on met à une tâche qui compte le plus mais sa compréhension – « pourtant personne sait combien nous avons souffert » – / Et puis il reste : chambre basse, la marche profonde pour y descendre d’un coup ; la fenêtre s’ouvre sur la lumière du plancher, deux murs en angle, un arbre qui pend et bouche une vitre, et le commencement des toits ; le lit dans un coin sombre au duvet écrasé sur des ressorts qui grincent, une malle s’enfile sous le matelas, des cahiers traînent par terre ; au dessus, les livres encastrés dans le mur ont des tranches serrées sans ordre, une chaise tournée, un coussin de velours près de la corbeille à papiers et, sur la table, contre le mur, des restes de cigarettes, un morceau de radiateur, une boîte de cendre des livres et des revues ouverts, des buvards tachés d’encre rouge et l’homme aux chimères regarde, cette heure qui est entre le printemps et l’été, plus vrai que réel. / — / Tout fut mort pour nous sans vous, poète de l’humanité et de la machine. » 15 juillet. Lettre à sa mère. Projet de voyage à Londres reporté à l’année suivante. Projet d’aller à Colombiers. 27 juillet. 18 ans.
1er août. Lettre à Edmond Humeau de La Vaux. Conservée aux Archives de l’abbaye de Saint-Maurice. « La Vaux, 1 VIII 1932, / Mon très cher Professeur, / Mes lettres sont rares jusqu’à maintenant, et je choisis pour vous écrire un jour de 1er août, alors que tout le pays est en fête – plus ou moins officielle –, une Abbaye qui dure depuis samedi et qui finit toujours le lundi et qui coïncide cette année avec le 1er août des feux et des drapeaux, discours sur la beauté de notre pays, sur la nécessité pour l’homme d’avoir une patrie, une terre qu’il préfère et je vois depuis la terrasse où je vous écris un immense drapeau rouge, tout à fait disproportionné au sapin où il flotte et se ramasse et je ris de la façon bête et sentimentale – avec laquelle je ne marche pas – on prétend honorer le pays, c’est aussi peu sincère qu’une fête de musique ou de tir et je n’aime pas les discours bêtes. / Je vous envoie avec ma lettre 6 frs pour 2 Maintenant, un pour Maritain et un pour moi, et à tous les deux vous mettrez une dédicace. J’attendrai pour acheter le 3ème que ma bourse soit plus pleine, et elle est si longue à se remplir, heureusement. […] Je crois qu’il ne faut pas vous attendre encore cette semaine à un travail sérieux de ma part, ici à la maison, ou on me traite en fatigué, en faible de santé, alors il faut que je sois presque toujours en chaise-longue, une vie vraiment porcine dirait Marcel Arland. Mais je suis quand même capable de découvrir la beauté, des champs de blé épais et blanc et du seigle léger et si balancé de vagues. Mon lac est si peu pittoresque heureusement que je le trouve très beau, il ressemble si peu au Lavaux quoique certains soirs ses couchers de soleil sont tellement cartes postales que je m’en dégoute. Puisqu’il n’est ni pittoresque, ni grandiloquent, je le trouve plus intelligent et j’espère que vous viendrez le voir. / J’ai vu Ramuz, m’a-t-on dit, à Lausanne, chez un primeur, j’ai ri en tout cas de son sans-gêne et de sa vivacité. / Alors, je vous envoie depuis cette semaine, une lettre chaque lundi, vous y répondrez ou vous n’y répondrez pas, mais je vous demeure toujours très attaché et j’aimerai que vous sachiez combien je vous aime, combien j’aimerai vous garder et vous comprendre plus profondément, histoire de voir plus juste. J’aimerai aussi que vous vous occupiez encore de moi et corrigiez ce que je ferai, comme un ami un peu. / Georges Borgeaud La Vaux / Aubonne / t.s.v.pl. / Je vous écrirai plus sérieusement lorsque je n’aurai plus besoin d’être surveillé pour empêché [sic] que je me surmène !.. / Saluez bien monsieur Peiry, Viatte, Thürler. / J’envie un peu Nino d’habiter Gênes. J’aimerais entendre les autos et les clochettes des trams, comme Meaulnes dans ce boulevard de Paris, attendant que la fenêtre d’Yvonne s’allume, ou courir dans les rues, y découvrir une fille, lui donner un rendez-vous et par espièglerie ne pas y venir parce que je m’embête avec mes chaises longues et ma suralimentation. / Vous allez me trouver tout à fait bête. Alors à la semaine prochaine et je ferai quelque chose. » 7 août. Lettre d’Hélène Magnenat à Ida Gavillet. « Peut-être savez-vous déjà par Georges que j’ai dû quitter mon foyer, lasse d’une vie intenable que j’ai supportée durant des années. Je regrette beaucoup pour Georges de ne plus pouvoir lui être utile. Mon mari ne pourra sûrement pas le garder. Je ne sais du reste ce qu’il va faire. Le mieux est de chercher pour G. une pension où il pourra rester pendant ses vacances. Peut être le garderait-on à St Maurice. Je n’ai rien pu prévoir. Je suis partie après une scène pire que d’autres. Un avocat va s’occuper de mes affaires et en tous cas je ne resterai pas à la maison. Je quitterai Genève sitôt que je pourrais. Je suis fâchée de vous causer un souci auquel vous étiez loin de vous attendre et peinée de faire un si grand chagrin à Georges. J’espère que tout ira bien pour lui. »
Septembre. Début du mois : séjour à La Valsainte. Fin du mois : Rentrée en « 4ème littéraire » au collège de Saint-Maurice. Domicilé à Lausanne selon le livret scolaire. S’y trouve avec Jean-Louis de Chastonay ; Maurice Chappaz n’y est plus. GB quittera le collège avant la fin de l’année. 28 septembre. Lettre à sa mère de Saint-Maurice. « Je suis rentré avec joie et je retrouve les mêmes professeurs que l’année passée, avec quelques changements dans l’horaire. […] Je voulais te demander si tu ne voudrais peut-être pas que je prenne du lait le matin pour ma santé, cela fait un surplus à la note mais économise les fortifiants qui sont indispensables pour moi autrement. […] Mardi soir avant de prendre le train à 6 h – 1/4, je suis allé à la tour bel-air où j’ai pris une bière. Il pleuvait sans discontinuer. Madame Magnenat recevait pour le souper ces sales anglais qui revenaient de Londres, du moins une sale anglaise. La salle à manger était garnie comme pour l’enfant prodigue. Je me réjouis de recevoir de tes nouvelles et tu jugeras comme tu voudras quant à la suralimentation, mais ici j’en ai vraiment besoin. » 30 septembre. Lettre d’Hélène Magnenat à Ida Gavillet. « Un petit mot pour vous dire que Georges doit ici un ressemelage de frs. 6. – il me l’a écrit au lieu de me le dire en allant chercher ses souliers. J’espère qu’il recommencera à travailler avec courage. Il est à un âge où il est nécessaire qu’il soit tenu un peu plus que je ne peux le faire c’est pourquoi je pense qu’aux prochaines grandes vacances il vaudra beaucoup mieux pour lui qu’il les passe ailleurs et surtout en Suisse Allemande car il est assez en retard pour cette branche. Il y a des prêtres, des curés de montagnes qui ne demandent pas mieux que d’avoir pendant quelques semaines quelques jeunes gens et pour un prix modique. Vous verrez vous-même ce qui conviendra le mieux. Pour plusieurs raisons tout à fait personnelles aussi j’ai le regret de ne pas pouvoir m’engager à le reprendre aux prochaines grandes vacances. J’espère que vous me comprendrez et que vous ne m’en voudrez pas. »
Octobre. Sans date. Brouillon de lettre d’Ida Gavillet à Hélène Magnenat. « Chère Madame, / C’est avec regret que […] j’apprends votre décision de ne plus reprendre Georges aux vacances, car il me sera certainement difficile de lui trouver une personne qui soit pour lui un vrai foyer comme c’était le cas chez vous Aussi je profite de vous remercier de tout ce que vous avez fait ces dernières années pour Georges et de l’affection que vous lui avez porté. [sic] Vos soins et votre influence ont fait de lui un garçon tout autre ce qu’il était auparavant et j’espère et ferai mon possible pour qu’il persévere [sic] dans la voie ou [sic] il s’est engagé. / Vous me dites très justement qu’il est a un âge ou il est nécessaire qu’il soit un peu “tenu” aussi je n’en regrettes que que d’autant plus votre décision, car vous savez certainement que Georges n’est pas toujours disposé à accepter ne se plie pas toujours si facilement à mon autorité qu’il ne le faisait avec vous. / Enfin j’espère, que tout ira bien, surtout qu’il est en bonne voie et en âge de réfléchir. / J’espère avoir le plaisir de vous rencontrer voir si vous venez à Lausanne, et en attendant je vous prie de recevoir, chère Madame, mes bonnes salutations. » 4 octobre. Lettre de Saint-Maurice à sa mère. « Je reçois ta lettre à midi et je suis étonné de la décision de Madame Magnenat d’autant plus qu’av ant de se quitter mardi elle m’avait promis que je reviendrai à Noël et à Pâques. […] Ce n’est que pour les grandes vacances qu’elle ne veut pas de moi à La Vaux. […] Maintenant ce qui te fera plaisir, j’ai trouvé une pension pour l’été à Villars sur Bex où en travaillant je diminuerai considérablement le prix de pension. C’est dans un pensionnat aristocrate de tous ces milliardaires qui vont passer leurs vacances à Villars. C’est une maison d’éducation tenue par les dominicains et qui s’appelle Rosemart. J’aurai comme travail la surveillance de l’étude et du dortoir et je m’occuperai de faire aller ces jeunes garçons en promenades ; je leur donnerai, aux plus faibles, des leçons de latin et de grec, j’en sais suffisamment pour enseigner le commencement de la grammaire et comme ça sans trop me fatiguer j’aurai un joli travail qui me permettra de me reposer de mes études et de m’occuper d’affaires personnelles. Je serai traité comme un professeur, avec chambre, nourriture exquise et avec l’air de la montagne. Le supérieur a presque décidé et il serait d’avis, il ne faut plus que l’autorisation du Père supérieur. Seulement il faudrait que j’apprenne à jouer du tennis et du foot-ball parce que j’aurai aussi la surveillance des sports. Ces garçons seront âgés de 10 à 12 ans. » 9 octobre. Lettre à l’oncle Paul. « Je suis très touché de votre lettre et je suis heureux des conseils que vous me donnez. En effet, j’ai une ortographe [sic] médiocre, ce qui pourrait me faire mal juger si les autorités s’en apercevaient. Dans mon métier, je fais chaque jour des expériences. Je sens ma classe dans mes mains ; les difficultés s’aplanissent, mais il faut une patience d’ange pour ne pas se laisser aller aux réprimandes mal proportionnées. […] Dans tous les cas, je suis heureux des papiers et articles que vous allez m’envoyer. » 15 octobre. Lettre à sa mère de Saint-Maurice. « J’ai tardé de t’écrire car il m’a fallu parler à Monsieur Saudan au sujet des pensions d’autant plus que je ne recevais pas de réponse de toi pour ce qui concerne les vacances de Noël, si toutefois je pouvais aller à La Vaux encore. Dans tous les cas pour les vacances de Noël je sais où aller. Un ami m’a invité chez lui à Brigue et Monsieur Saudan a parlé à sa mère plutôt parlera à la mère de ce camarade pour lui dire que je ne suis pas un intrus. […] Monsieur Saudan sera content le jour ou je n’aurai plus rien à faire avec La Vaux. Il m’a dit que je devais aller chercher une fois pendant ce trimestre, un jeudi probablement, mes affaires chez ma marraine. Il veut que ce soit moi qui aille pour prendre tous mes livres Il aimerait beaucoup mieux que j’aille que de faire venir mes affaires. Et il m’a dit que je ferai mes adieux aussi à ma marraine. Alors j’irai pour la dernière fois à Aubonne, je prendrai ma valise et ma corbeille et prendrai tableaux livres etc et l’apporterai ici à St Maurice chez Monsieur Saudan. […] Pour les grandes vacances ; d’abord pour celles de Pâques, Lucien Picker m ’a réinvité à Genève, c’est une affaire entendue ; heureusement que j’ai plusieurs amis sûrs. Pour les grandes vacances, il [Saudan] n’aimerait pas que j’aille à Villars en disant d’abord qu’il y a trop de travail et que je n’aurai pas assez de repos, et il n’aime pas ce milieu de parvenus et d’aristocrates qui ne donneraient beaucoup trop à faire. Maintenant il m’a dit de te dire donc qu’il ne veut pas que j’aille à Villars, mais que d’autre part puisque je suis en retard pour l’allemand qu’il te propose de me mettre pour mes vacances en Allemagne à Fribourg en Brisgau chez une de ses connaissances qui prend des jeunes gens français et leur donne des leçons d’allemand. […] J’irai 3 jours à la Valsainte avec Lucien Picker avant d’aller en Allemagne, c’est lui qui m’offre. Tu réfléchiras. Monsieur Saudan est si bon et si dévoué pour moi. […] J’ai dû aller me faire arranger une dent qui s’est cassée je ne sais pas comment. »
6 décembre. Lettre à sa mère de Saint-Maurice. « Voilà une semaine que je t’ai laissée sans nouvelle. J’aimais mieux laisser tasser et oublier la journée de jeudi passé [1er décembre]. Monsieur Saudan a reçu dernièrement une lettre de ma marraine qui lui a écrit qu’elle pensait qu’il vaudrait mieux pour moi, ainsi que pour elle, que j’aille passer mes vacances en dehors de La Vaux. Elle insiste auprès de Monsieur Saudan, rour en disant qu’elle ne me ferme pas la porte, mais qu’elle préférerait pour elle et pour moi que j’aille ailleurs pour Noël. » 14 décembre (alentours). Lettre à sa mère. « Pour les vacances de Noël, j’irai donc à Brigue. Tu n’as pas à te faire de soucis, personne veut mal te juger, du reste, j’ai très bien dit à ces personnes que je pouvais aller chez toi pour les fêtes et elles ne croient pas du tout que tout foyer m’est fermé, mais elles ont tellement insisté pour m’avoir et elles seraient tellement contentes que je crois qu’il ne faut pas refuser. […] Monsieur Saudan me conseille vivement de ne pas attendre à Noël pour aller chercher mes affaires à Aubonne, il m’a dit qu’il faudrait le faire sans tarder et écrire à Madame Magnenat quel dimanche ou jeudi je pourrais aller. Il me dit de te le dire et qu’il vaut mieux que j’aille tout chercher mes affaires maintenant ; il juge ainsi d’après une lettre que ma marraine lui a envoyé, où paraît-il, elle marque assez avec son air expéditif que la délicatesse veut que je débarrasse le plus vite le plancher. C’est fini pour moi La Vaux. » 17 décembre. Lettre à sa mère. « Je suis en pleine période d’examens, tu m’excuseras que ma lettre soit si courte. J’ai reçu la tienne, merci ; je ne veux pas même essayer de me justifier, puisque tu ne me crois pas. […] Je te demande pardon, si je suis la cause de ton chagrin, mais je ne crois pas qu’il vaille la peine de tant te préoccuper de ce qu’on te dit, ce n’est pas toujours juste. » 25 décembre. Vacances de Noël à Brigue chez Fernand Gay.