1954

Année des 40 ans, de la mort de Cingria.

7 janvier. Lettre à sa mère de Paris. « A Noël, moi, je suis allé chez de très bons amis à moi, André Frénaud et à Nouvel-an chez des amis des Louis. […] L’histoire de mon appartement suit son cours et je pense que je vais en être le titulaire prochainement. […] Tu sais que je vais écrire quelques articles dans la Gazette de Lausanne. Peut-être que celui qui devait paraître le 2 (qui n’a pas paru à cause de la grève !) paraîtra ce samedi-ci qui vient, le neuf. » 19 janvier. Lettre à sa mère de Paris. « Tu as vu que, cette fois-ci, je suis entré dans la Gazette de Lausanne. C’est un bon pas ; je te remercie de m’avoir fait tenir ce numéro. Je pense que cet article t’aura amusé. J’y ai mis toutes éspèces de petites blagues innocentes. As-tu entendu des rumeurs concernant ma collaboration ? Cela m’intéresserait. / Figure-toi que mon affaire d’appartement sans être tout à fait perdue se complique sérieusement et que toute, mais vraiment toute la bourse du gouvernement que j’ai reçue, soit 87.000 frs. a passé pour couvrir les frais d’avocats (j’en ai deux, celui que la maison m’a imposé et le mien !). Puis ayant dû rendre le réchaud électrique à l’ancienne locataire, il m’a fallu en racheter un, puis payer un terme plus important que les autres à cause des étrennes et aussi pour forcer la main de ma concierge de mon côté. Tout a disparu en fumée. Ce ne le sera pas si je peux garder cet appartement auquel je m’attache d’autant plus que je suis menacé de le quitter. C’est chinois ! ainsi dit-on que les nations en décadence deviennent chinoises dans leur administration et leur code mais la France vit sous le code Napoléon ! »

10 février. Lettre à Gustave Roud. Première lettre conservée au CRLR où le tutoiement est employé. Même jour. Lettre à sa mère de Paris. « Ma chère Maman, je vais arriver à Lausanne certainement mardi ou mercredi de la semaine prochaine. Je serai en voiture, accompagné par un ami, plutôt que j’accompagnerai. Je serai dix jours à Lausanne, ou ailleurs, on verra. »

26 février. Lettre à sa mère de Veyras-sur-Sierre, chez Palézieux. « Ma chère Maman, je vais passer lundi prochain à la radio chez J.L. de Chastonay. Pour l’instant, je suis chez mes amis les Palézieux. Je t’écrirai, plus exactement, te téléphonerai dès les résultats de la radio et si je rentre en clinique tu viendras me voir. / Je te remercie pour ton hospitalité et je te dis à bientôt. » 27 février. Carte postale à Gustave Roud de Sion (conjecture, d’après le S et le N du tampon de la poste).

22 mars. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « J’ai passé un mois et demi en Suisse pour m’y faire observer par un ami médecin ; la bête commençait à grincer mais ce n’est point grave ! Je dois suivre un régime draconien. »

1er avril. 60 ans d’Ida Gavillet. 12 avril. Lettre à sa mère de Gordes. « Ma chère Maman, je te remercie profondément pour ta bonne lettre. Je l’ai reçue le jour même où je venais ici, en voiture. Nous avons mis 3 jours pour faire le voyage à travers un mauvais temps généralisé. Aujourd’hui, enfin, le fameux soleil provençal veut bien être fidèle à sa légende. / Je pense rester encore une dizaine de jours dans ma maison et rentrer ensuite à Paris jusqu’à la mi-juillet. / Mon article dans la Gazette que tu as eu la gentillesse de m’envoyer m’a valu un très nombreux courrier, en général favorable. Auberjonois lui-même m’a écrit pour me féliciter ainsi que le Major de Vallière. Je l’ai fait suivre d’un second article : lettre à un architecte qui, je l’éspère, aura paru. Ici, evidemment je ne reçois pas mon courrier et je me demande si la rédaction l’aura accepté. […] Grâce à mon régime, j’ai beaucoup maigri et je ne m’en porte que très bien. […] Je suis ici jusqu’à la fin avril, à peu près. »

6 mai. Lettre à sa mère de Paris. « Ma chère Maman, je t’ai écrit une lettre de GORDES que tu dois avoir reçue, n’est-ce pas ! Je t’y donnais quelques nouvelles et je te proposais même de venir à Paris, proposition, d’ailleurs, gasconne car je ne suis pas en fond ces temps-ci. La Gazette de Lausanne me paie mal et même refuse de me donner une pige pour le dernier article qu’elle prétend réponse rédactionnelle. Je passerai ma vie à croiser le fer. »

Début juin. Carte postale de La Haye à « Monsieur et Madame Robert Fargas, peintre » à l’adresse de la rue Froidevaux. « Chers amis, j’ai pris du temps à te trouver des pipes. Le tourisme a gâché les anciennes formes et c’est toujours des choses laides que l’on vous montre d’abord. / Le pays, les villes sont belles mais il y a uniformité dans la foule, quelque chose qui me fait penser à la Suisse. J’ai vu, ce matin, à Amsterdam, quelque chose comme 60 van Gogh. / Je rentre vendredi soir 11 juin. / Saluti. / GB. » 12 juin. Carte postale à sa mère de La Haye. « … à l’occasion d’un petit voyage en Hollande où je suis venu parler de poésie française… »

27 juillet. 40 ans. 29 juillet. Lettre à sa mère de Gordes. « Je t’ai peu écrit, c’est vrai. Je suis toujours étonné de la rapidité avec laquelle passe le temps. Puis, d’autre part, je ne voulais guère t’entretenir de mes soucis car, avec raison, tu peux me dire que tu as les tiens et que ni l’un ni l’autre ne peuvent s’aider réciproquement puisque nous sommes ensemble dans la mouise. / Je suis arrivé ici grâce à l’amabilité de Franck Jotterand qui m’y a conduit en voiture. Il allait, lui, avec sa femme, au festival d’Avignon. J’ai assisté à une représentation, à Cinna plus exactement. C’est beau bien que cette inondation d’alexandrins a noyé un peu ma compréhension. Sylvia Monfort en était la vedette. Je l’aime beaucoup. Sa voix grave, un peu à la Greta Garbo convenait bien à son rôle de femme de tête et jetant la poisse. Sylvia qui est une amie est venue déjeûner ici avec son mari l’écrivain Jacques Lemarchand. Il est possible que je reçoive d’ailleurs la visite de Jean Vilar et de Gérard Philip[…]e. Cela ne me serait pas désagréable. […] Je pense rester ici jusqu’à la fin septembre. J’y travaille bien et j’y vis bien meilleur marché qu’à Paris. Cette fois-ci, à Paris, je puis garder mon appartement. Ce n’est pas mal, après tous les ennuis que j’ai eus et qui m’ont coûté. »

1er août. Mort de Charles-Albert Cingria. Dans son missel, GB conservera le « Souvenez-vous dans vos prières de Monsieur Charles-Albert Cingria ».

1er septembre. Lettre à Gustave Roud de Gordes. Conservée au CRLR. « Je vais venir dans une quinzaine de jours vers Carrouge. Je resterai 15 jours dans le pays et, cette fois, nous nous verrons longuement, chez toi. […] SAPAJOU roupille et RÊVE qu’il décortique une souris. » 6 septembre. Lettre de Gordes à M. et Mme Bernard de Lavallaz à Collombey-Muraz. « … Je vais venir en Suisse à partir du 24 septembre. J’ai accepté l’invitation à résider quelques jours chez Madame E. Biéler dans sa maison de Rivaz, au bord du lac. (…) J’ai pour Madame Biéler personnellement de l’estime et de la sympathie. Elle me témoigne, mon Dieu c’est ridicule à dire, une sorte d’admiration. Cela me gêne et bien sûr, me flatte un peu…  » 17 septembre. Carte postale à sa mère de Gordes. « Je vais venir en Suisse pour quelques jours, à Rivaz, où j’habiterai. »

2 novembre. Lettre à sa mère de Paris. « Je sors d’une grippe qui m’a tenu dix jours bien sonnés au fond de mon lit. […] Je pense que mon séjour en Suisse sur le plan de la nutrition n’a pas été heureux pour moi. Trop de boissons, de fromage de cuisine grasse. Cela m’est fatal et je ne vais bien que lorsque je suis mon régime. […] Tu auras lu, je pense, mon article sur Léautaud dans la Gazette de samedi dernier. […] Dis-moi si tu es allé à La Vaux. » 9 novembre. Lettre à sa mère de Paris. « J’ai eu la visite de Mr et Mme. Iynedjian, de la mère Iynedjian qui étaient accompagnés par un certain Marquis Imperiali, gros monsieur bruyant, d’origine napolitaine. nous sommes sortis un soir ensemble dans un cabaret et nous avons déjeûné dans un restaurant italien. C’était assez agréable et ce qui le fut encore davantage, c’est la promesse d’Iynedjian de m’offrir des tapis pour mon appartement de Paris quand celui-ci aura été remis en état. Malheureusement, je ne puis guère entreprendre ces travaux maintenant car il me faudrait encore de l’argent, toujours de l’argent mais, enfin, c’est une belle promesse de marchand de tapis. J’éspère qu’elle se réalisera, un jour. J’aurais ainsi un intérieur comme je le désire depuis longtemps, beau et raffiné. / Léon Borgeaud ne m’a pas encore envoyé son lit et je me demande si la douane ne lui fait pas des ennuis. Ce que j’aimerais avoir c’est un bureau comme celui qui est dans la chambre de ton pensionnaire où j’ai dormi. Si un jour, je pouvais te l’acheter, je le ferais car je suis las de devoir écrire sur une table ronde. / Je vais te faire expédier par la nrf un exemplaire de la revue où j’ai donné un texte sur ma maison de Gordes qu a paru dans le numéro de novembre. On dit de tous côtés qu’il est bon. / Je pense que tu pourras venir à Paris au printemps. D’ici là mes affaires seront meilleures. Je n’ai, malheureusement, pas reçu de nouvelles du Journal de Genève et je ne le comprends pas. C’est toujours ainsi ! Sur dix chances, neuf éclatent dans les doigts. » 15 novembre. Contrat de location du 59, rue Froidevaux pour « les chambres n°4 et 5 au 7me étage et le placard y attenant / Et ce, de trois mois en trois mois ».

10 décembre. Lettre à sa mère de Paris. « Tu pourras lire dans la Gazette un article de moi sur Jean Giono. J’ai dû l’écrire en 24 heures et, je crois, qu’il se ressent de cette hâte. […] Mes affaires d’appartement sont tout à fait réglées. J’en suis bien content mais elles m’ont endetté. » 23 décembre. Lettre à sa mère de Paris. « Si nous étions riches, toi et moi, nous pourrions nous gâter un peu mais, décidément, la poule aux œufs d’or ne se trouve pas sur notre chemin. […] Moi, je n’ai guère, cette année, été invité et la seule invitation en vue ne me convient guère. Tant pis ! Il ne faut plus se réjouir comme les enfants. »