1977

Année des 63 ans.

4 janvier. Lettre de Bertil Galland. « Le propre d’un homme comme toi, même quand un manuscrit se fait attendre, est de rendre cette attente tout à fait négligeable à côté d’un élan très étrange qu’apporte à nos regards, dans nos regards, l’exemple de tout ce que tu sais voir, vivre, remarquer, débusquer et finalement dire, et occasionnellement : écrire. […] J’ai parlé avec Michel Goeldlin de la possibilité de te trouver un petit appartement dans la vieille ville de Vevey, où tu puisses être à la fois tout à fait libre, proche de tes amis quand tu veux les voir, et lié à toute la Suisse romande par de bons trains et les bateaux ! […] Je pense faire un saut à Paris le 25 janvier, avec Betty. Seras-tu chez toi ? Si nous dînions ensemble ? Tu es un peu reposé, rafraîchi, après le périple britannique, la conférence (qui m’a fait rire, m’a enchanté – même si ton œil perçant ne l’a pas remarqué – par sa liberté, ses drôleries, et tout ce pan de ta vie qui se révélait à nous). Tout à fait remis de ta glissade ? […] Amitiés proches du revoir, cher Georges, qu’il faut inlassablement convaincre que tu es pour nous l’ami le plus merveilleux. » 5 janvier. Lettre à Bertil Galland (de Paris). « Mon bien cher Bertil, / Ne t’inquiète pas ! le manuscrit vient, mais je veux le donner non plus, comme le précédent, à peu près achevé ou mal tapé, ou encore avec un sentiment que je pourrais faire mieux. C’est un livre plus près du poème en prose que de la narration romanesque ou “novelliste”. Rien ne me fera changer de tactique ! J’ai réfléchi à ce qui a précédé dans mes rares aventures puisque je n’ai que 4 livres en tout et pour tout : je donnais, j’ai donné des manuscrits à moitié, au 3/4 au point et tes secrétaires, ta secrétaire a eu un courage inouï de savoir lire, nager dans ces désordres calligraphiques. Ce n’est plus possible, ce n’est plus digne de moi, surtout pas de l’idée de plus en plus haute que je me fais sur ce livre à venir – il est proche, crois-le. En fait et VRAIMENT je n’ai que la copie dactylographique à faire mais je veux la faire moi. J’avais projeté de m’y mettre à mon retour des îles britanniques mais j’en suis revenu éreinté, pris d’une lassitude que ma tournée en Suisse n’a point guérie, au contraire. […] Il faut croire que je me sens un peu coupable de la lenteur (excessive) que je mets à donner ce manuscrit sans titre pour avoir commencé les premières phrases de cette lettre par des justifications. Cela me fait penser aux enfants qui rentrent de l’école avec des mauvaises notes et se protègent la figure avec les bras pour atténuer la violence des gifles. Mais voilà ce n’est pas des gifles que toi et Betty vous m’adressez mais les mots d’amitié les plus profonds, les plus vifs qui m’émeuvent au plus haut et au plus profond de mon cœur, au point que j’en rougis et que je sens monter une larme et sa suite à mes yeux. Car j’ai très besoin de cette tendresse, de cette confiance et venant de nous deux naturellement vous devinez la valeur qu’elle prend. Je vous en remercie très profondément et si je sais aussi bien que Bertil le dire, mon amitié pour vous est sans réserve et plus solidement enracinée en moi que les peupliers de l’embouchure aux buses. Mes vœux, vous les savez. Ils sont comme les meilleurs chocolats enrobés de ma tendresse et ils ont, heureusement, plus de durée que les chocolats. / Oui, il me faut penser à quitter Romont. Je te l’ai exprimé plus haut. En aurai-je l’énergie ? C’est très chic de la part de M. G. et de la vôtre, bien sûr, d’entreprendre de me ramener aux rives du lac, après tout mon véritable pays et non point les grasses prairies du Plateau noircies par les sombres forêts de sapins et les non moins sombres solitudes dues à l’éloignement de tout et de ce qui m’est nécessaire. / J’avais l’intention de venir en Suisse vers la fin de janvier, le début de février mais serait-ce une idée exécutable (?) que de faire le voyage ensemble, nous trois, puisque vous avez l’intention de venir à Paris le 25 janvier ? Je “rentrerai” avec vous. Alors nous pourrions un peu parler de tout cela et tu emporteras tout au moins un état définitif de l’un de mes “machins en prose” pour Ecriture. Sur cela aussi tu peux compter mais ce ne sera pas fatalement Clémenceau. On verra, je verrai. »

28 février. Télégramme de Bertil Galland. « Georges si cher je te supplie envoie moi ton texte pour Ecriture »

5 mars. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Mon cher Bertil, / Je t’envoie au début de cette semaine le Dégustateur et non plus deux textes, car le D. a pris de l’ampleur. Ce qui est bête c’est que lorsque je reprends pour la nième fois ces textes, j’ai toujours envie de les enrichir, de les prolonger. Mais cette fois, ça y-est ! Pourvu que de t’avoir fait attendre autant, n’ait pas trop d’influence sur ta réaction : ce n’est que cela et bien ça ne valait pas la peine qu’il me tienne[…] en haleine. / Tu pourras me donner ton avis par téléphone, à moins que je te voie à la fin de cette semaine. Je vais à Bulle chercher “mes dents” J’y arrive le jeudi soir et j’en repars le samedi après-midi. Le soir je dîne avec Elisabeth et Jacques [Chessex] à Lausanne, puis reprends le train vers onze heures pour Paris. » 16 mars. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Mon bien cher Bertil, / je suis très heureux que tu n’aies pas trop détesté mon dégustateur. Je l’avais dactylographié mais à Bulle, le relisant la nuit, j’ai à nouveau tout chamboulé, c’est pourquoi tu as reçu ce chiffon que Jacques t’a remis. […] Je suis très, très heureux que tu aimes le titre La grande promenade. Un des textes le justifiera puisqu’il racontera le retour d’une course d’école, celle de fin d’année dans toutes les classes primaires – et autres – / J’aimerais bien que tu cherches la date exacte et le nom de l’aviateur français qui s’est tué accidentellement à la Blécherette. Son nom devait ressembler à Ardouin ou Hardouin, Cela devait se passer entre 1925, 1926 l’été. Un n° du canard doit encore se trouver à la F. d’Avis qui existait de ce temps-là et qui n’a pas dû passer l’évènement sous silence. Merci. / Puis j’aimerais, si cela était possible, avoir sous la main une carte d’Etat-Major de la région de Coppoz afin de suivre mes itinéraires, mes vagabondages, mes promenades. / Il ne me sera pas possible d’aller au prix Nicole à cause des trop nombreux et trop brefs sauts que j’ai faits en trois mois vers la Suisse. Je vais penser à prendre un abonnement qui sera d’autant plus avantageux que je ferai plus souvent le voyage. J’ai très l’intention de prendre au sérieux la proposition Michel G. A son propos, Ducrest me prie de lui dire ainsi qu’à toi, que les choses prennent forme et réalité à Paris. » 30 mars. Lettre à sa mère de Paris. « Bon anniversaire ! / J’espère que tu lèveras le silence que tu fais peser sur nous. Ne me sentant nullement en faute, je ne vois pas pourquoi je lèverai le premier la bouderie qui est ridicule à nos âges. / Avec toute mon affection. / Georges »

20 avril. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Voici les épreuves de mon dégustateur ! »

8 mai. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Mon bien cher Bertil, / je suis très bientôt en demeure de t’envoyer ma grande promenade. J’en suis très content et je ne peux aller au-delà. Le manuscrit sera tapé par moi et, cette fois sans retours, ratures, reprises… Il est temps de lâcher le ballon. / J’ai été quelque peu étonné, non par vanité littéraire, que personne en Suisse ne m’ait demandé un témoignage sur Gustave Roud. Tant mieux, peut-être, car c’eut attaché une couronne de mots à un corbillard qui vient de décharger sa dépouille. Mais, enfin, j’ai proposé à l’Encyclopédia Universalis une notice dont je t’envoie deux tirés à part, un pour toi cela va sans dire, l’autre pour Marcel Imsand que tu salueras bien. /
40.000 amitiés pour toi
40.000 autres pour Betty
total 80.000 G. »

26 juillet. Lettre de sa mère. « Bons vœux ». 28 juillet. Lettre à Bertil Galland de Calvignac. « Quant à Gustave Roud, j’avouerai que j’ai été étonné d’avoir été mis à l’écart non par toi [interligné : « toi seul et Jacques m’ont parlé des derniers jours de Roud et tu m’as fait avertir à Londres »] (je veux dire non pas parce que je ne parais pas dans l’Adieu) [interligné : « c’est normal »] mais que rien ne soit venu de Suisse pour me dire les choses, me demander éventuellement un témoignage, comme si je n’avais nullement fait partie des amis de Roud. De toutes façons, tu me connais, s’il fallait que j’écrive un texte sur Roud, il me faudrait un temps infini qui découragerait ceux qui l’espèrent… […] Très bien pour l’Encyclopédie [du pays de Vaud]. J’attends tes remaniements et je t’enverrai le tout par retour de courrier, pour le 15 août. Figure-toi que je serai à Caux le 9 août. François [Nourissier] me demande de venir à son chalet, durant son absence et celle de la belle Hanka, “garder” Paulina dont il craint l’isolement. […] J’achève ici non seulement la grande promenade que j’ai enrichi plus que tu ne peux l’imaginer, mais un texte pour Palézieux que Jean Genoud publiera pour ces clients sous la forme d’un livre illustré (de luxe). Je devrais me débarrasser de ces commandes parallèles (le Chinet n’a pas encore paru). Ma faiblesse est de les prendre et de suer dessus, alors qu’il est pressant que je finisse ce livre auquel je tiens beaucoup et qui est à toi. / A propos est-ce qu’Ecriture a paru ? / Ceci encore qui est essentiel : Je ne suis pas vaudois et c’est commettre une erreur que de me flanquer chez les vaudois bien que je sois né à Lausanne. Ce serait commettre une injustice vis à vis de Chappaz et Corinna, par exemple. Ce n’est pas possible. Je suis valaisan et déjà je m’inquiète que tu aies confié à un originaire de Collombey-Muraz, de rédiger le tableau encyclopédique. On va protester, peut-être et plus encore si j’y parais. Réfléchis à cela. Je serais gêné que tu passes outre. / Ceci : je vous aime et il n’y a aucune raison de le mettre en doute. / Je vous embrasse / G. » 29 juillet. Lettre à Bertil Galland du Grès de Calvignac. « Mon bien cher Bertil, / Superbes sont les pages pour l’E.V. que tu viens de m’envoyer ! Tu as clarifié mon brouet, tu as surtout ajouté des nuances, des délicatesses dont je n’étais pas capable, si bien qu’il est tout à fait honnête pour les lecteurs d’ajouter ton nom au mien, plus exactement que j’ajoute le mien au tien. Tu es un étonnant “critique” (le mot n’est pas bon) littéraire. Quelle intuition ! Quels pouvoirs chez toi de passer comme l’eau, l’air, la lumière par les méandres de la pensée, des intentions et de la sensibilité. C’est extraordinaire. / J’ai honte d’avoir livré un travail que je n’ai pas su mettre à cette hauteur. Je vais dorénavant veiller à ne pas exagérer mes pouvoirs. Je suis fier d’être associé à toi. / Ma foi, en ce qui me concerne, c’est épatant. Mais tu me fais vaudois pour être né à Lausanne, à moins que tu saches le nom de mon père grâce à une confidence de ma mère et qu’il soit vaudois. Je ne sais si je mérite un tel honneur. Tu as tout à fait raison, le rapprochement que tu fais avec Mercaton n’est pas sans justesse et il m’honore aussi. La réserve que je fais à propos des livres de Mercanton est leur style laborieux, un peu tricoté. Mais enfin, cela ne l’empêche pas d’être un grand écrivain car on ne trouve pas seulement les bons écrivains chez les irréfléchis et les savoureux. Merci, bien sûr. Cependant le problème de l’origine existe, à moins que tu penses passer outre, mais quelle injustice pour les autres. Cela me tourmente mais bien sûr tu as conquis ma vanité. / En même temps que tu as développé en moi un grand scrupule vis à vis de l’insuffisance de mon travail. Mais nous étions alors pressés. C’est toi seul qui sait parler en profondeur des écrivains. / Te voilà recouvert des gouttelettes de mon encre. Je m’arrête. / Merci. / G. » 30 juillet. Lettre à Bertil Galland de Calvignac. « Bien cher Bertil, / A peine avais-je mis ma trop longue lettre dans la boîte – en plein Causse avec, paraît-il un nid de guêpes en formation, dixit le facteur – que je reçois Ecriture 13 et le dernier morceau de ma collaboration à l’E.V. Je n’ai pas encore relu tout le machin, mais je ne suis pas né à Aubonne mais à Lausanne, tout bêtement à l’hôpital cantonal. Réfléchis encore à propos de mes origines valaisannes. Ne doit-on pas être rigoureux dans nos principes ? Je te dirai mon avis quand j’aurai osé lire tout entier les lignes que tu me consacres… est-ce orgueil ou modestie, je n’en sais rien, mais je ne me ferai jamais aux commentaires qui me concernent ou le petit bout d’œuvre que j’ai entreprise. Je t’en parlerai plus tard. […] J’ai été un peu dur envers Vio-Martin qui, sans doute, s’est servi d’une lettre où je me plaignais, en effet, que personne n’ait songé à me faire témoigner sur Gustave Roud en disant qu’il y avait eu une sorte d’appropriation de trois compères que j’aime et j’admire, certes, mais voilà ils ont eu la plume rapide, alors que je balbutierais encore si j’avais eu à exprimer mes sentiments sur Roud. Je trouve d’ailleurs les textes très beaux, un peu obscur celui de Maurice mais tout en allant beaucoup plus loin que les autres. Quant à Jacques, il a parlé de moi fort gentiment à Roud, mais il n’y a plus de chat dans ma vie et New-York s’appelait Edimbourg ou Dublin. Mais il faut mentir avec vérité et il y réussit. / Donc Vio Martin vient de m’écrire et sa lettre est venue au même courrier que ton paquet. Sa lettre est touchante. Elle m’adresse une sorte de lettre ouverte (a-t-elle parue dans un canard ?) à propos de la mort de Roud. C’est un texte touchant, vrai certes et qui veut montrer non sans raison que Roud aimait beaucoup de gens sans paraître vouloir établir une hiérarchie entre eux, particulièrement littéraire. Naturellement, elle ne le dit pas ainsi, mais d’une façon sous-jacente. Elle a parfaitement raison. Peut-être avons-nous tendance à embaumer le poète avec des textes-bandelettes qui à tout jamais empêcheront les regards suivants de retourner l’homme, sinon le cadavre. C’est la châsse sous les autels des églises baroques italiennes. Vio parle très gentiment de Jaccottet. Elle a écouté son oraison funèbre dans une sorte d’absence toute pleine de pétales de roses. Il y a quelque chose de touchant chez cette femme et le vieux garçon Roud a connu comme moi le plaisir de quelques caresses féminines dont le dur se limite à l’admiration à sens unique. Mais je t’assure une fois encore que mon intention n’était nullement de créer avec elle “les intégristes de Roud” dont nous serions les animateurs. » 31 juillet. Lettre à sa mère de Calvignac. « J’ai été très touché de tes vœux et je t’en remercie profondément. Je craignais que tu ne veuilles plus jamais répondre à mes signes. / Je ne saurai jamais non plus pourquoi soudainement tu t’es refusée à me donner des nouvelles. Il serait plus simple que tu me le dises carrément. Nous n’avons plus ni toi, ni moi l’âge des malentendus et des disputes. »

Août. Du 9 au 16 en Suisse, chez François Nourissier.

9 septembre. Lettre de Bertil Galland. « Tu te rases bien dans ton petit miroir contre les pierres ? Ton potager te donne d’exquises salades ? Ton voisin n’est pas trop fou ? / Je repense à la paysanne qui m’a confié sur toi : “Il sait si bien dire” tandis qu’oies, oisillons, pintades, coqs, chapons, poulettes, canards muets, oui, muets les malheureux, gratouillaient idylliquement dans la cour. / Mais que te racontè-je ? / J’ai coiffé, pour écrire sur ce papier-là, ma casquette encyclopédique, et j’aurais dû mettre le casque. […] Je dois te dire que tes chapitres font l’unanimité dans l’éloge, souvent très enthousiaste. Nous mettons tout ça en pages avec délice. Ça te plaira. / Il n’y a qu’une nouvelle triste (c’est pour te l’apprendre que je mets le casque) : les avis ont été aussi réservés sur ton introduction, tes généralités sur la littérature vaudoise, qu’ils sont chaleureux sur les véritables portraits. / Comme nous sommes tragiquement serrés, nous nous sommes résolus à écarter tes quelques pages, commençant avec ton texte sur Ramuz (un chapitre), poursuivant avec les Cahiers Vaudois, Budry-Gilliard (un chapitre) et par le chapitre-fleuve appelé “Ecrivains contemporains”. / Je ne me suis pas battu pour le maintien de cette introduction, car je préfère aux considérations générales, dans ce type d’ouvrage, des portraits forts, des figures vivantes. “La littérature”, en dehors des œuvres les plus grandes, est chose triste. Et à quoi sert-il, finalement, de faire précéder Ramuz et les autres d’une sorte de photo-roman, dont chaque trait est discutable à l’inifini. Sommes-nous tristes ? Sommes-nous obsédés par le lac ? Sommes-nous marqués par le calvinisme ? D’autant moins que tu es l’un des écrivains dont nous parlons. Et ne devrions-nous pas tenir des propos généraux sur “les peintres vaudois” ? Exercice vain, je crois – ou à entreprendre ailleurs, sur un ton absolument personnel qu’interdit une Encyclopédie. (J’ai écarté les généralités du chapitre “peinture”.) […] Comme j’écris encyclopédiquement, je ne puis me permettre de te dire combien mes vœux accompagnent tes dernières mises au point automnales de La Grande Promenade. » 13 septembre. Lettre à Bertil Galland du Grès de Calvignac. « Mon bien cher Bertil, / sois sans inquiétude ! J’accepte volontiers la refonte de mon métal pour que l’alliage soit bon avec l’E.V. J’ai déjà été convaincu de l’excellence de tes travaux. Donc, ôte ton casque ! Tu ne recevras de moi que le baiser de paix des moines bénédictins. / Je regrette un peu l’introduction [interligné : « mon ? »] à l’esprit vaudois. Je crois un peu à ce que j’exprime. L’esprit puritain a bien des formes et nous tend beaucoup de pièges. Je ne crois pas en être libre. Mais cela mérite beaucoup, beaucoup de subtilités et d’autre part ça n’a pas sa place dans un[e] encyclopédie qui est toujours un éventail des mérites plutôt qu’un[e] analyse des défauts-qualités-défauts. / Ceci dit je viens de donner un texte “poétique” pour Palézieux et Genoud, qui m’a rongé durant des semaines le ciboulot et le cœur. J’espère que tu l’aimeras. / Je pars demain pour Paris, tout de même heureux d’avoir quelque confort, ne serait-ce que la douche… et les amis, bien sûr. Mais je ne serai jamais, jamais, jamais las de ce pays lotois où il fait un temps d’un douceur à pleurer. Autour de moi on rentre le tabac. Il y a des rosés (champignons) dans les prés. C’est le silence et les grillons. Les nuits sont d’une beauté à croire qu’il n’y a ni villes, ni politiciens, ni éléctricité [sic] dans ce monde et que nous vivons encore dans l’obscurité des bois et des cavernes dont la sortie nous révèle les étoiles. […] Et fais moi toujours confiance. Le jour de la Grande promenade approche. »

Octobre. Quelques jours à Romont.

28 décembre. Carte de vœux à sa mère. 30 décembre. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « Je suis venu, en effet, à Romont en octobre pour le mariage du fils aîné des Fasel, mais je n’y suis pas resté le temps que je m’étais fixé car il me faut revenir en Suisse vers le milieu du mois de janvier prochain. J’y resterai 2 à 3 semaines, le temps enfin de pousser jusqu’à Berne. / Il y aura au musée de Fribourg une exposition de peintures et de vitraux de Yoki pour qui j’ai écrit la préface du catalogue – je te cite P.O. (je veux dire je cite ton nom car je parle du Fribourg de la guerre où nous étions toi et moi. Assez étonnants moments). Tu, vous y serez invités. Le vernissage a lieu le vendredi 13 janvier. »