1978

Année des 64 ans, de la mort de sa mère.

1er janvier. Contrat de raccordement à l’eau pour Le Grès, Calvignac, à partir du 1er janvier 1978. 13 janvier. Vernissage de l’exposition Yoki à Fribourg.

27 février. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Mon bien cher Bertil, / Tu étais en voyage quand je suis passé par la Suisse lors du vernissage Yoki à Fribourg (dixit 24 heures et le silence du téléphone veveysan). Je ne suis resté que 5 jours dans le pays de Fribourg et une nuit à Romont. » Anonce que le Docteur Fasel ne peut plus lui prêter le studio à Romont. « Je suis donc sans Suisse mais je sais que ce n’est pas tout à fait vrai, à moins que les projets, ou le projet, veveysan se soient évanouis dans mon irrésolution. […] Mon moral ne va pas fort ni mes écritures qui ont subi un arrêt. Figure-toi que je souffre d’une catastrophe qui n’a pas encore eu lieu : celle de la gauche en mars, en France. » Même jour. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « Mais ma vie est à Paris, mon appartement, mes livres, ma musique, mon chat (j’ai un siamois), peut être un peu aussi mes intérêts… Donc je ne suis plus ancré dans la moraine helvétique, ce qui ne changera pas le plaisir que je prendrai à venir vous voir à Berne librement et sans indisposer qui que ce soit. C’est curieux comme je n’ai pas réussi à me faire dorloter dans ma jeunesse alors que je mourrais de soif et combien depuis mes petits succès, certains me tirent à hue et à dia, comme si j’étais si précieux dans mon esprit et ma chair qu’il fallait les écarteler pour qu’un charnier, un cimetière en reçut un morceau. Je plaisante… / Merci pour les 2 Cingria. Quelles merveilleuses lettres que celles à Ramuz. Tu auras les miennes, il faut que je m’arme de courage pour redescendre à la cave. Je suis pour l’instant moralement au fond d’un puits : la possibilité de la gauche en France, la peine que j’ai à travailler dans un climat noir… Bref je m’emmerde un peu ces temps-ci. / Mais je vous adore et vous ne le croyez pas. Je vous embrasse, même Simone qui a joué à la femme invisible alors que j’aurais tellement aimé que mes amis vissent sa beauté. »

6 mars. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Bien évidemment que tu seras mon éditeur. Non seulement pour la grande promenade mais j’ai en tête un projet. Je t’en reparlerai mais pour l’instant il faut achever la Grande p. […] En effet, si l’abominable Marchais arrivait au pouvoir comme un chien enragé dans un dortoir de religieuses, je n’en souffrirais pas dans mes biens qui sont inexistants mais peut-être dans ma ligne d’écrivain. Tu sais que les communistes ont envie de nationaliser Hachette. Privat m’a dit que ce serait une catastrophe car il n’y aurait que les auteurs soumis. Comment me soumettre, moi je singulier, à une doctrine égalitaire. Puis le climat de la France ne serait plus le même. Il y a une grande tristesse au-dessus des démocraties populaires. On y vit pas librement. Tout est surveillé, consigné. Il suffit d’aller à une Fête de l’Humanité pour le comprendre. Hors du marxisme pas de salut, pas de droit à l’humour. Quelle horreur ! / L’autre jour – nous sommes en pleine propagande doctorale – un type en voiture crie vers moi : avec ta gueule de riche, retourne dans tes quartiers ! / Quelle haine, c’est à frémir ! Lui en voiture, moi à pied, quelle renversement, lui le riche, moi le modeste […] Ceci encore : j’ai une chatte siamoise de 6 mois ½. Te l’ai-je dit ? C’est une créature de rêve et griffue. » 29 mars. Carte de vœux, de Paris, à sa mère qui a 84 ans le 1er avril.

Septembre. (Conjecture) Carte de membre honoraire de l’Union sportive Cajarcoise, Section Football-Basket, saison 1978-1979. 8 septembre. Achète un billet de train à la gare de Cajarc.

11 octobre. Lettre à Bertil Galland de Paris. « Mon bien cher Bertil et bien chère Betty, / on s’est mal vu à ce dîner du Bœuf rouge. Je voulais vous revoir mais j’ai traîné à Romont pour mettre au point, avec les Fasel, les choses en suspens… Puis j’ai passé un jour à Fribourg, puis le train pour rentrer à Paris où je vais mettre un point final à mon adaptation Schiller… Revenir ensuite au pays pour revoir ma mère que j’ai vue le jour du départ en bien mauvais état : suffocations, souffrances morales et autres… Je m’empresse de finir ma besogne parisienne et théâtrale pour être prêt à prendre le train au moindre signe déséspéré des médecins. Fasel me tient au courant car il se renseigne directement à Nestlé. […] Il y a une Suisse de la littérature qui me fiche le cafard dont je n’ai pas besoin, le souvenir du passé étant suffisant à entretenir celui dont j’ai été nourri… / Pas vous, bien sûr et je vous dis la vérité. / Aussi, je ne suis pas hostile à l’idée d’une éventuelle réimplantation à Vevey mais faudrait-il que Michel G. me relance et, cette fois, avec plus de précisions. Je crois que nous avons, que j’ai “vasouillé” avec cette proposition… la crainte bien sûr d’être bouffé (non pas par vous bien entendu dont la présence m’est toujours douce) mais par un “grimpion” littéraire. […] Maintenant, je t’ai un peu taquiné à propos de l’Encyclopédie vaudoise mais je te l’ai déjà écrit, tu as très, très bien fait de recomposer un peu toute ma rédaction. J’ai bien vu que tu y as laissé ce que tu jugeais bon et dans la forme première… »

1er novembre. Talon de chèque « Lausanne hôpital ». 14 novembre. Talon de chèque « Swissair ».

2 décembre. Mort d’Ida Gavillet, mère de Georges Borgeaud, à 84 ans et 8 mois. Même jour. Télégramme de Bertil Galland. « Belle elle n’a pas pu t’épargner les déchirements de sa fierté blessée mais sut au dernier souffle te dire qu’elle t’aimait comme elle aima en silence ton père ce presque retrouvé à jamais jeune et noble sous le képi des grands déserts stop nos pensées sont auprès de toi / Betty et Bertil » 30 décembre. Lettre à Pierre-Olivier Walzer de Paris. « Vos vœux sont venus sous la forme de ce C.A.C. poche Suisse avec une préface de P.O. qui me paraît avoir grande importance. Elle me servira de point d’appui puisque je dois remettre pour le 15 janvier une note sur Cingria pour le dictionnaire Bompiani-Laffont (et une note sur Gustave Roud aussi). Merci donc pour cet envoi. Puis-je me permettre une petite réserve ? La couverture, je veux dire le portrait de Charles-Albert qui y figure, est bien caricatural. Je ne pense pas qu’il faille pousser Cingria vers la clownerie. Mais je puis me tromper. / Nous avons failli nous voir à Lausanne si je n’avais pas été alors plongé dans de bien difficiles moments. P.O. présentait sa collection, quant à moi à la même heure où à peu près, je vivais les circonstances de la mort de ma mère et leur suite. Ça a été un cauchemar qui se fraie encore un chemin dans mon sang, jusqu’au moment où j’ai opéré une saignée bénéfique. Sous quelle forme ? C’est à voir. »