1972

Année des 58 ans.

8 février. Lettre à Yoki de Paris. « Mon bien cher Yoki, / oui, je viendrai vous rejoindre ce samedi 19 février, avec la joie que tu peux penser. Je voyagerai, sans doute, avec Sergio avec qui je vais m’entendre à ce sujet. Je te remercie de penser à ce frère aîné qui fut seul durant les jours de son “quiquagénat”. Je ramasserai ainsi, pour le rajeunir en votre compagnie, mon passé. / Pierre Fasel m’avait, par téléphone, annoncé ta lettre. Je crois que celle-ci a pris quelque retard à me rejoindre, simplement parce que tu lui as donné un chiffre pair – de ta part c’était un impair (ouf ?) – mon immeuble est au 59 de la rue Froidevaux. Les chiffres pairs donnent sur le cimetière Montparnasse, donc sur le néant. Mais on a retenu à temps ton mot qui s’y précipitait. » 22 février. Lettre à Joan et Yoki de Paris. « Bien chers Joan et Yoki, / Vous ne saurez jamais le regret que j’ai eu de manquer ces fêtes autour de vos quinquagénats. Mais la faute en revient tout entière à notre incorrigible Sergio qui a dit oui, puis dit non, redit oui et non, avec des arguments pour chacun des partis plus que douteux et, parfois, inamicaux. […] Je viens tout de même 3 à 4 jours à Fribourg, du vendredi 3 mars au mardi (à peu près) 7. […] j’ai envie de vous, de ma chambre sur la Sarine, des petits déjeûners de Joan, de Fribourg, de la ville. J’aimerais même rencontrer, revoir l’Abbé Journet et quelques uns des amis de Yoki, puis Lap, puis Droux, puis… surtout vous. Il y a une petite promenade que j’aimerais faire du côté de Senancour, en réalité de la maison de sa femme Marie Françoise Daguet à Agy. » Même jour. Lettre à sa mère de Paris. « Ma bien chère Maman, / Un très grand merci pour ta bonne lettre et les coupures de journaux que tu y as jointes. Quelle horrible tragédie que cet accident volontaire dont 2 enfants ont été les victimes. L’argent peut revêtir un homme d’un costume bien coupé, mais le sauvage dessous n’a pas changé. […] Ma santé va assez bien, mieux. Je sors de moins en moins et uniquement quand je ne peux pas faire autrement. On sait que les évêques et les députés meurent de trop banqueter. / Tu auras appris que Jotterand a quitté la Gazette et que celle-ci a d’autres collaborateurs littéraires. Je suis un peu lié par la solidarité car mes camarades, même Jaccottet qui est prudent, refusent pour l’instant de collaborer avec la nouvelle équipe. On verra la suite. […] La ville de Sion m’a invité pour 10 jours cet automne. J’ai reçu une proposition d’écrire pour une collection cantonale, un livre sur l’Abbaye de St Maurice. On se verra à cette occasion car tu viendras à Sion, à mon invitation, pour passer quelques jours avec moi en Valais. »

13 mars. Lettre à Joan et Yoki. « Comment vous remercier ? […] Maintenant, que dire à Yoki pour lui faire entendre combien son vitrail m’enchante ? » 31 mars. Arrivée à Calvignac pour un séjour de douze jours.

21 mai. Lettre à sa mère de Paris. « Je pense aller en Suisse, en Valais, vers la fin septembre, le début octobre. La ville de Sion m’invite officiellement. […] Jusque là, je pense passer l’été dans le Lot où je partirai à la fin juin, début juillet. […] Je pense à toi en brossant tous les jours les beaux tapis que tu m’as offerts. Ma maison en est embellie. »

20 juin. Arrivée à Londres (tampon de la douane). 22 juin. Carte postale à sa mère de Londres. « Ma chère Maman, je suis venu passer ici quelques jours, sur invitation. J’ai moins aimé Londres cette fois ci que lors de mon premier voyage. Je rentre à Paris demain. » Même jour. Départ de Londres (tampon de la douane).

25-28 juillet. Rencontres internationales claudéliennes de Brangues ? (lettre à Pierre-Olivier Walzer du 18.11.71).

22 août. Lettre à Joan et Yoki de Calvignac. « Pour moi aussi le souvenir de votre passage m’est doux au cœur. Je regrette qu’il n’ait pas été plus long, d’autant plus que la fraîcheur – excessive – est venue avec la pluie. Ma citerne est pleine et j’ai plus d’énergie au travail que sous la canicule. Le pays est d’une luminosité adolescente, comme l’est celle qui entre dans l’automne. / Vous avez laissé des souvenirs excellents ici ; la sympathie vous est acquise, partout. Les Strub, les Tranié… Je ne parle pas de moi car c’est plus que de la sympathie, vous le pensez bien. De la passion, presque. C’est vrai que nous nous entendons très profondément et encore mieux quand nous ne sommes qu’en présence de nous-mêmes. Trop de compagnie ne convient pas, parfois, à nos échanges, car il m’arrive, en réaction contre les idées des autres que je n’aime pas, d’attaquer plus volontiers celui qui m’est le plus proche, le plus fraternel. Allez savoir pourquoi ! Parce que l’assurance que j’ai de son amitié, me paraît plus accessible à subir mes coups. Au fond, je reproche à mes amis l’imbécillité des autres. C’est un peu fort, n’est-ce pas ? » 29 août. Lettre à sa mère de Calvignac. « Je reste ici jusqu’au 15 septembre, après quoi je remonterai à Paris et, si tout va bien, je passerai quelques jours au pays. Il pleut beaucoup ces temps-ci mais j’ai beaucoup souffert de la chaleur en août. J’ai travaillé à beaucoup de textes dont tu verras prochainement la parution. On m’a dit que Jacques Chessex m’a consacré un article dans la Feuille d’Avis. »

21 septembre. Suicide de Montherlant à Paris, à 16 h. 22, 23, 24 ? septembre. Carnet : « J’ai passé vers une heure de l’après-midi (il faisait un beau jour d’automne) devant le 25 du quai Voltaire, l’émotion m’étreignait : derrière des rideaux tirés, à l’étage, Montherlant reposait, la mâchoire fracassée par la balle du revolver. Il était encore possible, pour certains, de le voir, après quoi tout sous la terre se transformera en terreau. / J’ai passé devant la chambre mortuaire de quelqu’un que l’histoire littéraire de la France n’oubliera jamais comme Mme de Sévigné, je me dis avec surprise j’étais là ! »

15 octobre. Carnet : « 15 oct. 72 : 18 ans après Mme A[…] me reconnaît à la rue Froidevaux. […] Elle va au cimetière où il y a 2 ans elle a enterré son fils âgé de 22 ans. Mort, dans les Landes, d’un accident d’automobile. […] J’ai connu cet enfant à deux ans. Je m’en souviens un peu. Il est là sous ma fenêtre depuis 2 ans. Cela me bouleverse. / Le père n’a pas assisté à l’enterrement. »

6 décembre. Lettre à Joan et Yoki de Paris. « En réalité, mon intégration à Le Point a été lente et sûre, tout en exigeant de ma part de l’attention, une sorte d’apprentissage à un journalisme assez particulier, qui n’a plus rien à voir avec celui des N[ouv]elles. Litt[éraires]. C’est un journalisme de combat et presque sans nuances. Il faut que je passe par là pour vivre. » Même jour. Lettre à sa mère de Paris. « Ma chère Maman, / Il m’est difficile de comprendre pourquoi tu boudes. Je t’ai écrit une lettre au mois d’août à laquelle je n’ai pas reçu de réponse, puis une carte postale de Conques dans l’Aveyron. / Je m’inquiète. Si tu étais malade, je le saurais. C’est donc une fois encore un malentendu. […] je suis entré dans l’équipe journalistique du Point auquel je collabore. » Brouillon de réponse : « Non Georges il n’y a pas de malentendu simplement malgré le rappel de ma lettre que [illisible] pour les photos pour les livres j’y renonce alors j’attendais ton envoi tout simplement et te souhaite de bonnes fêtes à Paris / Le temps est maussade et triste comme la vie pour une maman de 78 [ans] qui doit encore travailler pour 1 toit » 20 décembre. Lettre à Gustave Roud. Conservée au CRLR. « Cette amitié que tu m’offres a la chaleur de ces bancs que le soleil inonde. J’ai envie de m’y coucher de tout mon long. Bien sûr, elle a, cette amitié, la profondeur d’une galerie toujours en exploitation. Je suis quotidiennement à la recherche de ses filons. / Plus simplement, je t’aime profondément et sans à coups, comme dans la continuité, dans l’éternité. » Vacances de Noël. Fribourg et Romont.